Et pourtant…je fais pivoter ma chaise en écrivant ce billet et je prends le spectacle en pleine gueule. Le vent fort soulève des déferlantes dont le fracas couvre la rumeur de la ville. Je vois de loin, sur la plage, un petit bonhomme courir derrière les goélands et les mouettes.

Et d’autres qui creusent le sable avec la foi des bâtisseurs ou qui affrontent, de leurs pieds dodus, la mousse des vagues mourantes avec la fierté des conquérants. Des pélicans passent en formation, silencieux. Des bateaux blancs tracent un sillon d’écume. Ce soir, les transatlantiques glisseront sur la ligne d’horizon, tout rosés des lueurs du soleil couchant.
Et d’autres images me viennent en cascade: le ciel bleu étoilé de verts palmiers, les bougainvillées qui débordent des jardins, les lauriers-roses en fleur, les racines entrelacées de la mangrove, les oiseaux aquatiques qui s’élèvent de leur grand vol tranquille, trois canard qui rasent l’eau d’un canal à la brunante, les aigles innombrables qui planent plus haut que les tours, toute une nature qui tient tête à l’envahisseur. Et la chaleur, la bienfaisante chaleur dont se gave la peau nue…

L’humain fabrique du beau… et du laid. Pour sa part, la nature, même dans sa plus grande désolation, n’offre toujours que de la beauté. Mais qu’est-ce que cette beauté dont je parle sans la décrire sinon que dans ses manifestations? Quelque chose de plus grand que soi, qui nous échappe, qui nous attire vers le haut. Quelque chose qui nous fait rêver, non pas du monde de l’avoir, mais de celui de l’être. On regarde une fleur, un oiseau, un arbre, la mer, et quelque chose en soi s’apaise, s’ouvre et se remplit tout à la fois. Devant ce qui nous émerveille, il me semble que nous rétablissons le contact avec ce que certains appellent l’âme.
La Floride est un monde de contrastes où s’opposent les réalisations humaines et la magnificence de la nature, la sophistication et la simplicité, la futilité et l’authenticité. De mon nid, c’est la vue sur la mer que je préfère, mais à l’heure où celle-ci n’est plus qu’un gouffre sombre, le regard se porte tout naturellement sur la ville illuminée. Je termine mon verre de vin en observant avec indifférence l’agitation des citadins et en prenant la mesure du bien-être que me procure la compagnie quotidienne de la mer. Tant qu’à moi, le beau aura toujours le dernier mot.
Bonjour Carmen,
J’ai trouvé ton tecte particulièrement bien écrit. En te lisant, je vois les choses que tu décris si bien. Mais aussi parce qu’il fait appel à la conscience dans sa vie et que je partage avec toi ce sentiment de beauté et de grandeur de la nature. Merci.