Paroles fleuries

Ci-dessous, un texte poétique de mon ami, Réjean Provencher. Si l’hiver sévit toujours sur le Québec, le printemps du coeur, lui, se fout bien du calendrier.

« C’était le printemps, un matin sans nuage. Je me promenais sur ce tapis de sous-bois. J’allais ça et là me laissant imprégner de cet environnement parfumé de l’air du temps.
Le soleil commençait ses jeux d’ombre et de lumière. Il cherchait avec son ami, le vent, une fleur, une plante pour se joindre à eux. Assis au pied d’un arbre, je contemplais ce spectacle se déroulant dans une ambiance paradisiaque.
Tout à coup un léger bruissement, est-ce le murmure du vent? Je tends l’oreille, je regarde, tournant la tête lentement autour de moi; j’aperçois tout près, dans une petite clairière, un rayon de soleil ayant découvert une petite fleur. Cette petite fleur vivace qui court au devant des saisons, et tire sans cesse sur le voile de la nuit afin de voir poindre le jour plus tôt.
Captivé par cette douce vibration visuelle, je surprends cette lumière des Temps, transcendant les espaces, pour offrir sa cour à cette ambassadrice terrestre. Voici l’essence de ses paroles :
Lorsque j’enlève ces draps noirs qui te recouvrent
Et que mes pâles rayons enfin te découvrent

Dans cette rosée du matin, je contemple ton air serein.
Tes pétales mi-clos s’ouvrent lentement enfin.

À l’avance de cette journée, mes caresses se font de plus en plus chaudes.
Tu m’offres toutes tes couleurs et sans cesse, autour de toi, je rôde.

Toujours mon ami le vent essaie vainement de m’apporter ton message.
Pourtant cet ami sait si bien atténuer mon ardeur, tout comme le ferait un sage.

Tes couleurs m’enchantent, mais ce ne sont là qu’une extrémité livrée à ma
connaissance
Toi, tel tu me vois, tel je suis, tel je vis…tout sens

Toi, pourquoi ne jamais m’exposer tes racines?
Faudrait-il te tenir le langage des cimes?

Pourtant il y a longtemps qu’on se voit
Oui tu as raison, toujours sur une seule voie.

Mon rival, le soir approche, quelques mots encore avant qu’il vienne ternir tes couleurs.
Mon ami le vent pourrait m’aider à voir tes racines afin de calmer ma douleur.

Serais-tu réfractaire au vent?
Sinon, je te promet de rester dans l’aube pendant tout ce temps.

Si tu n’acceptes pas l’aide du vent, notre ami,
Nous serons condamnés à nous voir sans jamais nous connaître pour la vie.

Mon rival insiste, je dois te laisser, je te reverrai demain à l’aube…

Réjean Provencher

P.S. J’apprécierais recevoir vos commentaires, peu importe la polarité.»

Désir d’écrire

Le désir d’écrire est un enfant né d’un février sans fin. Un enfant pétri de frimas et de silence. Un enfant malingre dans ses retranchements effarouchés.

Cet enfant est né de la sauvagerie mutique des pères, du silence sacrificiel des mères.

Cet enfant est né aphone.

Pourtant, des confins de sa nuit australe, quelques balbutiements, quelques mots tremblotants ont crissé sur la neige durcie de sa solitude. Et depuis, il m’attend, exaspérant d’obstination.

Penché sur l’enfant, je m’interroge. Que puis-je pour cet être

chétif…

moribond…

inanimé…

mort-né?

NON! Non. Je vous en prie, quelqu’un, dites-moi qu’il vivra. Et que je renaîtrai de lui, par lui, avant l’heure du silence irréparable.

Ventres de femmes

ce ne sont pas corps de parade
ce ne sont pas chair à caméra
c’est pire encore
corps de chair
avec plein de cœur dedans
avec de l’âme à ras-bord
ce sont des ventres
crus et nus comme de vrais ventres
ventres de femme comme des soleils
mortels
ventres de femme
si semblable au nôtre
c’est cette chair
ce sont ces ventres
ce sont ces soleils
que crèvent les balles de l’Histoire

Les traces de nos pas

D’un côté la mer
Cousue à l’horizon

De l’autre côté la ville
Adossée contre le ciel

La mer clapote ou gronde
Ondule ou roule sa fureur
Camouflant le gouffre
Sous ses innocentes crêtes
Que le vent retrousse
Comme une pluie inversée

La ville de verre se tient debout
Grince ou rugit
Grouille, s’agite ou s’énerve
Camouflant le gouffre
Derrière ses lumières innombrables
Comme un ciel de nuit inversé

Entre les deux, je marche sur le sable
Qui absorbe toutes choses, même les rêves
Je marche sur le fil tranchant de la vie
Avec dans les mains de l’eau et du verre
Dans le galop assourdissant des chevaux
Que la brunante excite

Ni la mer, ni la ville, ni le sable ne gardent la trace de nos pas…