Cuisiner le bonheur

La boîte de livres, dans la garde-robe de la chambre qui m’accueille, chez mon amie Louise, en Floride, recèle des petits trésors. Dont Un goût de cannelle et d’espoir de Sarah McCoy.

L’action se passe principalement à deux époques et dans deux pays, alternant entre la ville de Garmish, en Allemagne, vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale, et El Paso, Texas, en 2007. À Garmish, la famille Schmidt tient une boulangerie et doit composer avec les pénuries de toutes sortes, annonciatrices de la chute imminente de l’Allemagne. Mais qui est prêt à admettre cette fatalité? Personne. Le doute n’est pas permis pour qui tient à sa vie. On tente de ne pas remarquer la disparition des voisins de longue date et on cultive un patriotisme exacerbé. Hazel, l’aînée des filles, a joint un camp de reproductrices, se consacrant à donner au pays des petits aryens. Elsie, 16 ans, fait son entrée dans le monde en participant à un bal nazi, au bras d’un capitaine, amis de la famille, qui profite de l’occasion pour la demander en mariage. Pourtant, l’Allemagne va tomber, le lecteur le sais bien, mais il ne peut en prévenir les protagonistes qui verront leur monde se désintégrer sous leurs yeux.

Soixante ans plus tard, à El Paso, Reba, jeune journaliste rêvant d’une grande carrière, fait patienter Riki qui l’a demandé en mariage. Riki est un patrouilleur d’origine mexicaine dont le métier est d’intercepter les migrants illégaux et de les faire reconduire de l’autre côté de la frontière. Et s’il est pour le respect des lois, il vit de plus en plus difficilement avec les drames qu’il contribue à envenimer par son action. D’autre part, Reba fait la connaissance de Jane, fille d’Elsie, qui tient avec sa mère une boulangerie allemande. Une belle amitié va se développer entre la jeune journaliste et les femmes de la boulangerie, amitié qui contribuera à sortir Reba des pièges qu’elle a elle-même confectionnés.

Sarah McCoy sait raconter une histoire et créer un suspense qui nous tient rivé à notre lecture. On ne peut bien sûr situer une action à la fin de cette apocalypse que fut la Deuxième Guerre sans mettre en scène des personnages odieux, mais on y trouve aussi de la dignité, de l’amour et de la tendresse. Du courage et de la résilience. On s’attache immédiatement à Elsie qui est sans contredit l’héroïne principale de l’histoire, une battante, une gagnante. Et on baigne du début à la fin dans les effluves de pain chaud et de pâtisseries parfumées dont l’auteur donne d’ailleurs quelques recettes à la fin du livre. Un agréable moment de lecture.

Sarah McCoy, Un goût de cannelle et d’espoir, Pocket, 2012, 511 pages