Deux fruits de ma récolte

Du bonbon

Parmi ma récolte de livres, lors de la grande vente annuelle de la Bibliothèque de Québec, je suis tombée sur Les Dames de Rome de Françoise Chandernagor sans réaliser qu’il s’agissait de la suite d’un roman que j’avais beaucoup aimé : Les Enfants d’Alexandrie. Alors que ce premier tome nous faisait vivre la dernière année de gloire de Cléopâtre à travers le prisme de sa seule fille, Séléné, la suite nous plonge au cœur du règne d’Octave Auguste. Cléopâtre et Marc Antoine, vaincus, se sont donné la mort. Le frère aîné et futur époux de Séléné a été assassiné et les enfants survivants ont été amenés à Rome pour y être exhibés et exécutés. Mais c’est compter sans Octavie, la sœur d’Octave, qui convainc celui-ci de lui laisser les enfants. Celle qu’on appelle la première dame de Rome collectionne les marmots. C’est donc parmi une meute de frère, demi-sœurs, cousins, cousines, étrangers, que Séléné vivra de 10 à 20 ans, dans une sorte de captivité sans barreau, mais surtout sans avenir, elle, la fille de la reine maudite.

Encore une fois, l’auteure marie avec bonheur histoire et fiction.

À la fin du récit et presque aussi intéressantes que le roman, les notes de l’auteur, une trentaine de pages, départagent les faits historiques de la fiction. Entre deux ou plusieurs opinions des historiens, l’auteure explique ses choix. 

Pas de doute que je lirai le dernier tome de cette trilogie, L’homme de Césarée.

Françoise Chandernagor, Les dames de Rome, Albin Michel, 2012, 440 pages

Étonnante déception

Juste avant Les dames de Rome, j’ai lu, pardon, essayé de lire Un amant naïf et sentimental de John le Carré. Étonnant, mais pour la première fois, un roman de cet auteur que j’adore m’est tombé des mains après une centaine de pages. Juste pour votre bénéfice, des fois que ce genre de livre vous ferait saliver, en voici quelques bribes. Un riche industriel anglais visite, en cachette de sa femme, un manoir décrépit qu’il souhaite acquérir. La maison est squattée par un couple absolument étrange. Une relation improbable s’établit entre les trois protagonistes, donnant lieu à des échanges presque surréalistes. Et ça dure sur une centaine de pages… Je ne vous en dis pas davantage, sinon que même la couverture du livre me déplaît.

J’aurais aimé vous mettre un lien vers une critique littéraire plus instructive que ces quelques mots, mais elles ne sont pas légion.

John le Carré, Un amant naïf et sentimental, Seuil, 1972, 475 pages 

Notre jeu

C’est chaque fois la même chose ! Quand je me retire pour travailler sur un roman, j’emporte bien sûr avec moi des livres, mais jamais en quantité suffisante. Heureusement, les gens qui me laissent squatter leur nid sont souvent des amoureux de la lecture, comme c’est le cas pour les amis très chers qui me prêtent actuellement leur condo pendant qu’ils sont en voyage. J’y suis entre autres tombée sur un John le Carré que je n’avais pas lu : Notre jeu.

UnknownLe prolifique auteur de romans d’espionnage se prête ici à une très brillante illustration du classique triangle amoureux, lequel n’est pas une fin en soi, mais un subtil décor pour la mise en scène d’affrontements autrement plus tragiques, le conflit armé entre Moscou et une minorité ethnique, celle des Ingouches, tribu musulmane du Caucase, réprimée de l’époque des tsars à celle d’Eltsine.

Timothy Cranmer ayant fait carrière dans le Service de renseignement britannique coule une retraite tranquille dans un petit manoir, assorti d’une vigne, qu’il a hérité d’un oncle fortuné. Tranquille jusqu’à ce soir où deux policiers sonnent à sa porte à une heure trop tardive pour être une visite anodine. On apprendra assez rapidement que son ami Larry, qui a travaillé sous ses ordres durant plus de 20 ans comme agent double pour le compte de la Grande-Bretagne et de la Russie, est disparu et qu’il est soupçonné d’avoir détourné quelque 130 millions de livres au trésor russe. Timothy comprendra également qu’il est lui-même soupçonné d’être son complice, non seulement par la police, mais également par le Service de renseignement.

Timothy éprouve pour Larry des sentiments ambigus : il est sa chose puisqu’il lui a tout appris du métier d’espion, il est l’ami avec qui il a partagé tant d’aventures, il est l’ennemi depuis qu’il a séduit Emma, son grand amour. Lorsqu’Emma disparaît à son tour, des forces sombres et insoupçonnées se déchaîneront en lui.

Déterminé à échapper à la traque dont il fait l’objet et à retrouver Emma, Timothy mettra en oeuvre sa fine connaissance des stratagèmes de l’espionnage pour couvrir sa poursuite des deux fugitifs. Cela le mènera très loin, à un point de vérité et de non-retour.

Enlevant dès les premières pages, Notre jeu est une histoire multidimensionnelle et complexe qui s’éclaire petit à petit au gré des réminiscences du narrateur. Rien jamais n’est simpliste avec John le Carré. Les personnages tout comme le récit font appel à l’intelligence du lecteur. Mais on est si rarement (jamais?) déçus.

John le Carré, Notre jeu, Seuil,1996, 365 pages

 

Quelques titres en rafale

Le diction populaire dit : Quand le travail nuit aux loisirs… Je vous laisse conclure. Mais le fait est que j’ai pris du retard dans le compte rendu de mes lectures. D’où le petit survol des trois dernières.

hommeUn homme très recherché de John le Carré. L’espionnage toujours, mais à une époque plus contemporaine. À New York les tours sont tombées. Le nouvel ennemi, c’est celui de confession musulmane. Il ne fait pas bon être un Tchétchène en fuite. Issa, musulman, a été sévèrement torturé en Russie. Après s’être enfui, via la Suède, il est maintenant en Allemagne où, Annabel, jeune avocate idéaliste tente de lui permettre de réaliser son rêve : devenir médecin pour aller soigner ses frères Tchétchènes. Pour cela, il doit obtenir un statut de réfugié et financer ses études à même la fortune, l’argent maffieux, que son père a autrefois mis à l’abri dans une banque de Hambourg. Sous l’histoire de ces protagonistes se livre une guerre des forces obscures du secret, celles des Anglais, des Allemands et des Américains. Pour eux, les humains, même innocents, même en quête de paix et de bonheur, ne sont que des pions. Dans un tel cas, la conclusion ne peut qu’être déprimante.

bleuL’après-midi bleu de William Boyd. J’ai mis un peu de temps à me laisser happer par l’histoire, mais est venu le moment où je n’arrivais plus à lire tous les mots, sautant de ligne en ligne, le cœur battant. Un homme étrange interpelle une jeune femme, Kay Fisher, architecte à Hollywood, pour lui révéler qu’il est son père. Malgré son incrédulité, Kay finira par se laisser entraîner par Carriscant dans un curieux voyage au Portugal, à la recherche de la femme qu’il a aimée dans sa jeunesse. Le périple sera l’occasion pour l’ancien médecin de raconter son histoire à sa fille et de la convaincre de la véracité de leur parenté. Boyd nous propulse dans le monde médical du début du 20e siècle avec un réalisme fascinant. Sans être le plus mémorable de ses romans, on embarque dans l’aventure avec beaucoup de plaisir.

otageOtages intimes de Jeanne Benameur. Là, on change d’univers, de style. Étienne, photographe de guerre, est libéré après des mois de captivité comme otage. À son retour, il retrouve sa mère aimante et ses amis de toujours, Enzo et Jofranka. Enzo, le sédentaire, fait des meubles d’artisan dans son village natal. Jofranka est avocate et travaille à la cour internationale. Elle prépare les femmes qui ont subi des sévices à témoigner contre leurs bourreaux. Le retour d’Étienne, c’est comme un petit tremblement de terre. Chacun est secoué, confronté à ses limites, à ses désirs, à sa difficulté de vivre. Un livre méditatif, au style intimiste, porté par une langue à la fois simple et poétique.

Dans la cuisine, ils sont là. Aucune arme ne protège de la peine du monde. Irène n’essaie aucun mot de consolation. Il n’y en a pas. Peu à peu la désolation cédera la place, c’est à cela qu’elle s’arrime. Parce qu’il y a les oiseaux qui prennent toutes les souffrances sous leurs ailes. Parce qu’il y a les arbres qui mènent la peine des hommes jusqu’au bout de leur feuillage. Parce qu’il y a des petits torrents qui roulent des pierres de l’eau limpide et qui laissent joyeux les corps des enfants. Elle essaie de toutes ses forces d’y croire.

Un très beau livre

Le livre d’une vie

Après m’être délectée d’un certain nombre de livres de John le Carré, j’ai satisfait ma curiosité à propos de son bouquin le plus autobiographique, Un pur espion.

Un pur espion reste le préféré de tous mes romans, celui sur lequel j’ai sué sang et eau et donc, au bout du compte, le plus gratifiant, nous dit l’auteur en Avant-propos, et pour ma part, le plus réussi de ses romans d’espionnage. Certains chefs-d’œuvre de la littérature ne sont-ils pas souvent basés sur l’expérience personnelle de leur auteur, comme À la recherche du temps perdu de Proust ou toute l’œuvre du prix Nobel de littérature, Patrick Modiano?

Le récit commence au moment où traqué, Magnus Pym s’enfuit pour écrire un livre, l’histoire de sa vie, celle du fils de Rick Pym, un escroc de grande envergure, et d’une mère fragile qui abandonne son enfant à l’âge de 5 ans. Ce qui correspond en tous points à l’histoire de David Crownwell, nom véritable de John le Carré. L’enfance et l’adolescence de Magnus sont tissées de périodes au sein du foyer où se succèdent les femmes, que l’auteur nomme indistinctement les mères ou les Beautés, où gravite toute une cour de crapules dont certaines seront éternellement fidèles au roi régnant, et de passages dans des écoles de styles carcérales, où le fouet est quotidien. Pour survivre, Magnus-David met toute son énergie à plaire avec chaque fibre de son être, apprend à dissimuler, à fouiner, à être lisse, aimable, policée.

Magnus a donc tout ce qu’il faut pour devenir espion et pratiquera son art avec la naïveté et l’idéalisme qui le caractérisent. Mais alors même que son mentor de la Firme, Jack Brotherwood, le découvre et le met à l’essai, Magnus se lie d’amitié avec un mystérieux réfugié d’origine tchèque, Axel. Trahi par Magnus, Axel est arrêté. Quelques années plus tard, la vie les remet face à face. S’il nie sa trahison, Magnus n’aura de cesse de se racheter auprès de celui-ci et s’engagera ainsi dans la dangereuse carrière d’agent double.

La manière dont le récit est structuré laisse pantois. L’agilité des aller-retour entre différents moments du passé et du présent, la multiplicité des lieux, la véracité et la profondeur des personnages : du grand art. Quant au style, il atteint des sommets.

Herr Ollinger paraissait sans âge, mais je sais aujourd’hui qu’il devait avoir la cinquantaine. Il avait le teint terreux, le sourire empreint de regrets et les joues pendantes et plissées comme les fesses d’un vieillard. Même lorsqu’il eut enfin accepté que son siège ne soit pas occupé par quelque être supérieur, il entreprit d’y installer son corps rond avec tant de précautions qu’il semblait attendre d’en être délogé à tout moment par quelqu’un de plus méritant.

Un pur espion est un grand roman et une fenêtre entrouverte sur les circonstances qui ont façonné l’homme derrière l’œuvre.

John le Carré, Un pur espion, Éditions du Seuil, 1986 pour la traduction française, 632 pages.

 

Les mondes parallèles de l’espionnage

Tout en assistant, impuissante, aux tentatives désespérées de survie de Charles Juliet (voir mon précédent billet), j’ai lu avec beaucoup d’intérêt « l’autobiographie » de David Cornwell, alias John le Carré, Le tunnel aux pigeons. Histoires de ma vie. Les guillemets ont tout à voir avec le « s » d’Histoires de ma vie. En effet, il ne s’agit pas d’une autobiographie, mais d’une collection d’anecdotes significatives pour l’auteur et qui éclairent parfois un personnage ou le thème d’un roman. Il y est naturellement question d’espionnage, d’écriture, de cinéma (de nombreux romans de le Carré ont été transposés au cinéma), par le biais de rencontres marquantes avec d’obscurs inconnus ou de grandes figures politiques ou cinématographiques. Le tout dresse, dans l’ensemble, un tableau intéressant, bien servi par la plume alerte de l’auteur, mais très peu intime. Ce n’est qu’à la fin du livre qu’il nous parle de son escroc de père qui aura pourtant influencé toute sa vie. Personnellement, je préfère la visite des jardins secrets au récit d’une rencontre avec Arafat. Je suis donc restée sur mon appétit.

tunnelEt j’adore écrire. J’adore faire ce que je suis en train de faire en ce moment, noircir du papier comme un homme traqué, assis à mon petit bureau en cette aube nuageuse de mai, avec la pluie des montagnes qui ruisselle sur les carreaux et sans la moindre excuse pour descendre jusqu’à la gare protégé par un parapluie parce que l’International New York Times n’arrive pas avant l’heure du déjeuner.

John le Carré, Le tunnel aux pigeons. Histoires de ma vie, Le seuil, 2016, 338 pages

 

codeAutre incursion dans le monde de l’espionnage. Parce que je manque de lecture en cette fin de séjour sous le soleil et parce que ma fille m’a prêté ce livre qu’elle n’arrivait pas à poursuivre, je me suis à nouveau laissé cahoter par Ken Follet. Le code Rebecca est une histoire d’espionnage et d’amour qui se passe en Égypte alors que Rommel, le renard du désert, menace de prendre Le Caire. Alex Wolff (Achmed de son nom d’adoption) est né en Allemagne mais a été élevé au Caire par une mère remariée à un Égyptien. Comme bien des compatriotes, il a développé un fort ressentiment envers l’occupant anglais et deviendra un agent à la solde de l’Allemagne avec pour mission de mettre la main sur les stratégies d’offensives anglaises et de les transmettre à Rommel. Il fera cependant l’objet d’une traque sans merci de la part d’un officier anglais du renseignement, William Vandam, secondé par la belle Elene, jeune juive prête à tout pour aider Vandam à contrer l’avancée nazie.

Comme toujours, Follett sait séquestrer son lecteur et j’ai dévoré cette aventure en moins de 24 heures.

Ken Follett, Le code Rebecca, Robert Laffont, Le livre de poche, 1981, 472 pages

De Follett à Juliet

nuitQuelques mots sur mes lectures récentes et en cours. J’ai enfilé deux Follett à la suite d’Apocalypse sur commande. La nuit de tous les dangersnous fait voyager sur le Clipper, un de ces hydravions de luxe qui furent mis en service avant le début de la Deuxième Guerre mondiale. Ce paquebot volant nous prend en Angleterre pour nous mener à Boston après trois escales: à Foynes, Irlande, à Botwood, Terre-Neuve et à Shédiac, Nouveau-Brunswick. Nous y côtoyons le genre de monde qui peut se payer une telle traversée : des aristocrates sur le déclin, des gens d’affaires, des mafieux. Pour nous, le voyage est gratuite, bien sûr. Et heureusement, car elle ne sera pas de tout repos. Il y aura des drames familiaux, d’effrayantes turbulences, du piratage, un mort…

triangleEncore toute frémissante de plaisir et de peur, j’ai poursuivi avec Triangle. En 1977, on avait pu lire dans le Daily Télégraph qu’Israël était soupçonné de s’être emparé d’un navire chargé d’uranium quelque neuf ans plus tôt, une aventure tout à fait digne de « James Bond ». C’est cet article qui est à l’origine du roman d’espionnage que nous sert ici le maître du page turner, une histoire d’une complexité à l’égale d’un John Le Carré, sans sa virtuosité stylistique toutefois.

ténèbresFatiguée de me faire secouer comme un prunier par Follett, j’ai attaqué, en parallèle le premier tome du journal de Charles Juliet. Outch! Ténèbres en terre froide n’a rien d’un divertissement. Juliet, âgé de 25 ans, se débat au jour le jour avec la tentation du suicide. C’est noir! Ça parle aussi beaucoup du métier d’écrivain, de ses exigences et c’est d’une profondeur étonnante. L’aventure du journal commencée en 1957, Juliet la poursuit encore aujourd’hui alors qu’il est maintenant âgé de 84 ans et toujours bien vivant!

pigeonEnfin, comme ce journal ne peut se lire qu’à petites goulées, j’ai entrepris l’autobiographie de ce cher John Le Carré, Le tunnel aux pigeons. Je vous en reparlerai.

Tout sauf un jeu d’enfant

John Le Carré, c’est notoire, est un écrivain très doué. Du souffle, du style, des personnages peu banals, des sujets fouillés. Comme un collégien ne fait pas exception à la règle. Mais ses œuvres ne sont pas du genre facile. Ce roman, le deuxième au cœur de La trilogie de Karla m’est apparu particulièrement ardu à suivre. Et ce, malgré les quelques notes que je prends sur les nombreux personnages qui peuplent le monde sinistre décrit par l’auteur. Celui de l’espionnage, du crime international, de tout ce qu’il y a de répugnant et qui grouille dans les bas-fonds de l’humanité.

UnknownDerrière les trois livres, un être obscur tire les ficelles. Il s’appelle Karla et travaille à la solde de l’URSS. On n’en sait pas beaucoup plus sur lui. Dans La taupe, Karla avait installé son homme, la taupe, à l’intérieur même du Cirque, le siège du renseignement britannique. Dans ce second tome, son homme de paille, Drake Ko, est chinois et rêve d’inonder le continent communiste d’opium. Sur presque 700 pages, on suit les efforts de George Smiley, aux commendes du Cirque depuis la chute de la taupe, et de ses hommes sur le terrain, dont l’ingouvernable Jerry Westerby, pour coincer ces criminels. Or Drake Ko a une maîtresse dont Jerry tombe amoureux. Et quand l’amour s’en mêle! De plus, la quête pour piéger Ko, laborieuse, dangereuse, se mène sur fond de guerre de pouvoir entre les services de renseignements anglais et américains et au cœur même du Cirque. Plusieurs rêvent d’écarter le vieux Georges Smiley et de prendre possession du trône.

L’écriture de John Le Carré est toujours éblouissante, précise, imagée, inventive. À titre d’exemple cette description :

Sa fille était avec eux; trente à quarante ans, blonde, avec une jupe jaune, de la poudre, mais pas de rouge aux lèvres. On avait l’impression que depuis son adolescence rien n’était arrivé à son visage, à part une constante érosion de ses espoirs. Elle rougissait lorsqu’elle parlait, mais parlait rarement. Elle avait fait de la pâtisserie, des sandwiches minces comme des mouchoirs et du gâteau à l’anis posé sur un petit napperon. Pour préparer le thé, elle utilisait une mousseline alourdie par des perles cousues autour du bord. Du plafond pendait un abat-jour en parchemin découpé en forme d’étoile. Un piano droit était disposé contre un mur avec la partition du Montre-nous la lumière, Seigneur ouverte sur le pupitre. Le poème de Kipling, If, en tapisserie, était accroché au-dessus de la cheminée vide, et les rideaux de velours de chaque côté de la grande baie vitrée étaient si lourds qu’ils auraient pu être là pour masquer une partie inutilisée de la vie. Il n’y avait pas un livre, même pas une bible. Mais il y avait un très grand poste de télévision couleur et une longue ligne de cartes de Noël accrochées à un fil, comme des oiseaux abattus à mi-chemin du sol.

L’art de créer une atmosphère!

Quoique touffu, parfois ardu à comprendre en raison du style imagé de l’auteur et des événements historiques qui servent de toile de fond à l’aventure, Comme un collégien est sans contredit un roman fascinant, et tout, sauf un jeu d’enfant.

John Le Carré, Comme un collégien, Éditions du Seuil, coll. Points, 1977, 677 pages

Creuser comme une taupe

C’est ce que fait avec une infinie patience et une grande intelligence George Smiley, ancien cadre des services secrets britanniques, mis à la retraite dans la foulée de la crise qui a secoué ce service du Foreing Office et communément appelé le Cirque. Plus qu’une crise, un effondrement. Bien des têtes sont alors tombées avec la sienne. Cette crise fut la résultante du travail de sape d’une taupe. Dans le jargon du métier, un membre de l’équipe qui, en fait, bosse pour l’ennemi. En l’occurrence les Russes que les services secrets espionnaient intensément durant la guerre froide. Il faut savoir que ce livre a été publié en 1974, bien avant la chute du mur de Berlin et de l’éboulis que celle-ci a provoqué sur le plan des alliances des pays de l’Est.

taupeL’intrigue concoctée par John le Carré dans ce premier tome de La trilogie de Karla est d’une complexité certaine. L’auteur ne nous donne pas tout cuit dans le bec et fait appel à notre intelligence. À notre patience aussi. Elle prend la forme d’une longue enquête menée par Smiley qui accumule les noms et les faits. On cherche avec lui les failles qui permettront de coincer la sacrée taupe qui bousille les missions de l’équipe. Taupe dont, bien sûr, on ne devinera pas l’identité avant Smiley lui-même. J’ai dévoré ce roman en trois jours, autant en raison de l’intérêt du récit par peur de perdre le fil si je laissais passer trop de temps entre les périodes de lecture. Par moment, on se dit qu’on va se perdre dans les dédales des histoires et des personnages. J’ai d’ailleurs pris soin de noter les principaux noms et leurs fonctions sur une feuille qui me suivait dans ma lecture. D’autant plus que certains reviendront probablement dans les autres tomes de la trilogie que je compte lire rapidement.

Comme d’habitude, le Carré éblouit. Chacun de ses personnages est bien campé, nuancé, crédible. Smiley est particulièrement attachant. Et toujours ces multiples identités qu’ils transportent avec eux, comme une métaphore de leur personnalité complexe impossible à réduire à quelques traits de caractère simplistes. L’auteur nous initie également à ce monde underground, glauque, ces guerres secrètes et parfois meurtrières que se font les pays sous prétexte de sécurité et dont l’argent et le pouvoir sont comme toujours le carburant.

Jim Prideaux arriva un vendredi sous la pluie battante. La pluie déferlait comme la fumée d’une canonnade sur les combes brunes des Quantocks (des collines anglaises), puis balayait les terrains de cricket déserts pour fouetter le grès des vieilles façades. Il arriva juste après le déjeuner, au volant d’une vieille Alvis rouge, avec en remorque une caravane d’occasion qui jadis avait été bleue. Les débuts d’après-midi au collège Thursgood sont une période tranquille, une courte trêve interrompant le combat incessant qu’est chaque jour de classe. On envoie les élèves faire la sieste dans leurs dortoirs, les professeurs prennent le café dans la salle commune en lisant les journaux ou en corrigeant les devoirs. Thursgood lit un roman à sa mère. De tout l’établissement, donc seul le petit Bill Roach assista en fait à l’arrivée de Jim, vit la vapeur qui jaillissait du capot de l’Alvis tandis qu’il dévalait en hoquetant l’allée du gravier, les essuie-glaces fonctionnant à toute vitesse et la caravane frémissant à sa poursuite en franchissant les flaques.

La taupe a donné lieu à deux adaptations cinématographiques (Wikipedia).

John le Carré, La taupe, premier tome de La trilogie de Karla, Éditions du Seuil, 1974, 380 pages

La maison Russie

Je sors de chacun des romans de John le Carré abasourdie par le talent de cet homme. Tout y est maîtrisé : le style, les personnages, l’intrigue, la construction du récit.

Celui-ci nous entraîne une fois de plus dans les obscurs souterrains des services secrets britanniques et américains.

imagesLors d’un salon du livre, à Moscou, une très belle Russe, Katia, confie à un éditeur, Niki Landau, des cahiers manuscrits qu’elle lui demande de remettre en mains propres à son voisin de kiosque, monsieur Blair, malheureusement absent. À l’occasion d’un de ses voyages en Russie, Bartholomew Scott Blair, Barley pour les intimes, avait fait la connaissance d’un étrange personnage, Goethe, un savant un peu fou, physicien travaillant au développement de l’arsenal atomique du pays. Au terme d’une soirée très arrosée, Goethe, séduit par le discours humaniste de l’éditeur, avait supplié celui-ci de publier un livre en cours d’écriture et qu’il lui remettrait à son prochain passage en Russie. Sans en dévoiler le contenu, Goethe avait fait comprendre à Barley qu’il faisait appel à son courage et son humanisme. Ce dernier avait réussi de peine et de misère à se défaire de cet illuminé. C’est ce document que Landau rapporte en Angleterre. Incapable de trouver Barley Blair, paniqué par ce qu’il saisit du contenu, Landau s’empresse de remettre cette patate chaude au Renseignement britannique. Une bombe! Les cahiers du savant font la démonstration de la faiblesse des Soviétiques en matière d’armes nucléaires et de leur incapacité à soutenir un conflit. Est-ce réel? Goethe est-il véritablement un savant repentant ou un agent à la solde du pays? Veut-il vraiment dénoncer les mensonges du régime ou le régime essaie-t-il de tromper l’Occident sur les capacités nucléaires de l’URSS?

Tout le reste du roman est une tentative pour répondre à cette question. Transformé tant bien que mal en espion, Barley, cet insoumis, est renvoyé en Russie avec une mission : authentifier la sincérité de la source. Pour l’atteindre, il devra passer par Katia. Dont il tombera amoureux, ce qui rendra encore plus hasardeuse la confiance que ses patrons et leurs homologues américains ont placée en lui. Amoureux, mais pas à la manière cavalière d’un James Bond. D’un sentiment altruiste qui lui fera mettre la sécurité de Katia et de ses enfants au-dessus de tout.

Ce qui est fascinant dans ce roman, c’est l’habileté de le Carré à nous faire ressentir l’angoisse de ne plus savoir où se trouve la vérité. Tout n’est que mensonges, fausses identités, stratégies tordues. Si bien que la plupart des protagonistes en perdent leurs repères et font des erreurs de jugement. À l’exception de Ned, un des « patrons » de Barley, tous sont aveugles aux indices permettant de comprendre que la mission de Barley est en train de déraper. Lorsqu’ils ouvriront les yeux, il sera trop tard et quelqu’un devra payer.

La maison Russie est une passionnante histoire d’espionnage, sans coup de feu, sans hémoglobine, entièrement construite sur la psychologie des personnages et sur les rouages infernaux des services secrets. Du grand art.

John le Carré, La maison Russie, Robert Laffont, 1989, 382 pages

 

Quand les crapules tirent les ficelles

Me voilà de retour dans l’univers de John le Carré avec Single & Single, un polar sociopolitique dont il est réputé être un maître incontesté. J’ai pris moins de temps que lors de ma première lecture de cet auteur (Le chant de la Mission) à me faire à son ton dont l’ironie omniprésente contrebalance la tendresse pour ses personnages, leurs faiblesses surtout, me semble-t-il.

UnknownCe livre met en scène les grands malfrats de la société, ceux qui vivent dans des palaces, qui se pavanent richement vêtus, qui ne fréquentent que des huiles, qui ont des amis bien placés. Ceux qui hantent rarement les prisons : ils réussissent généralement à passer à travers les mailles du filet, plus rarement ils meurent prématurément d’une balle entre les deux yeux. On parle ici des rois du commerce et des affaires, soutenus par les barons de la finance. La finance, c’est le business de Single & Single qui facilite avec profits à la carte de somptueux projets immobiliers, d’import-export ou de toute autre nature. Single père (Tiger) mène l’entreprise fort rentable de main de maître et fait de son avocat de fils, Single junior (Oliver), son associé minoritaire. L’histoire commence quatre ans après cette nomination, alors qu’Oliver se cache sous une fausse identité et collabore avec la police pour traquer un gang impliqué dans de très sales, et auxquels Tiger, attiré par l’appât des millions de retombées, a décidé de contribuer, provoquant une crise de conscience chez son fils à la moralité trop chatouilleuse. Ces activités mettent en cause des hommes d’affaires géorgiens, proches du gouvernement russe, également accointés avec un haut gradé de la police anglaise. Un nid de vipère, quoi! Sauf que la prise de pouvoir par Eltsine chambarde les équilibres, oblige l’exil en Turquie de nos bandits à cravate qui commencent à s’entredévorer entre eux, entraînant les Single dans la tourmente. Cette toile de fond assez sombre n’empêche pas l’auteur de faire voir en contrepartie la beauté du monde, le côté humain, tendre ou vulnérable, de tout un chacun. C’est aussi l’histoire d’un homme qui cherche à se déprendre de l’emprise de son père au piédestal démesuré. Tout cela avec cette palette colorée dont on ne se lasse pas.

Au firmament étoilé brillait une lune rose lacérée par des barbelés tranchants qui hérissaient le mur de la cour, remarqua Oliver avant que la porte se referme sur eux. Deux hommes étaient assis à une table de réunion derrière la baie vitrée du bureau de Toogoog, deux hommes au problèmes capillaires évidents. Pode, petit mais haut placé dans la banque, tout de tweed vêtu, portait des doubles foyers sans monture et de maigres mèches partant toutes du même côté dessinaient des lignes de tramway sur son crâne. Lanxon, le costaud, ancien élève d’école privée avec oreilles en chou-fleur et clubs de golf sur la cravate, arborait une moumoute brune en paille de fer digne d’un présentateur de télévision.

John le Carré, Single & Single, Éditions du Seuil, 1999, 392 pages

Dans la mécanique de la corruption

Ma visite à la méga vente de la Bibliothèque de Québec m’a fourni mes prochaines lectures. Mais un mot de l’expérience. Je participais pour la première fois à cet événement. Des milliers de volumes, dans tous les genres, étalés sur les tables. Un grain de sable en proportion du nombre de livres qui circulent dans le monde. Vertige! Alors que je ne croyais trouver là que des auteurs inconnus, des œuvres qui datent, des documents de peu d’intérêt, j’ai été agréablement surprise du choix qui s’offrait à moi. J’en suis revenue avec quelques livres pratiques, quelque-uns en lien avec mes projets d’écriture et quelques romans. J’ai entre autres déniché une biographie d’Emma Albani, cantatrice québécoise et étoile internationale de l’opéra au début du 20e siècle, œuvre de la mère de Marc Labrèche.

missionAu chapitre des romans, je sors tout juste de ma première rencontre avec John Le Carré, illustre écrivain anglais que je n’avais pas encore eu l’occasion de fréquenter. Le chant de la Mission m’a charmé dès que je me suis habituée à son ton ironique, à la vision naïve et un peu décalée de son héros, Bruno Salvador, Salvo pour les intimes. Né au Congo, fruit du péché d’un missionnaire catholique et d’une villageoise congolaise qu’il n’a pas connu, Salvo se retrouve bientôt seul, orphelin de père. Son statut de métis ne lui facilitera pas la vie et il développera un immense besoin d’être accepté et une passion immodérée des langues, celle-ci devant contribuer à celui-là.

Salvo, adulte, travaille comme interprète à Londres. Le renseignement britannique, un de ses employeurs, le met en relation avec des bailleurs de fonds occidentaux lesquels, sous prétexte de donner un coup de pouce au Congo, cherchent à conclure une entente avec des seigneurs de guerre africains et qui ont besoin pour l’opération des talents de Salvo. Il est alors impliqué malgré lui dans une machination d’un groupe anonyme, le Syndicat, visant moins à aider qui que ce soit qu’à s’en mettre plein les poches. Amoureux de son Congo natal, amoureux aussi d’une belle Congolaise fraîchement rencontrée, naïf et idéaliste, Salvo sera bien sûr bouleversé par la découverte des dessous de l’affaire et ne pourra se contenter d’empocher la grasse rétribution qu’on lui a promise.

En plus d’être un thriller captivant, Le chant de la Mission est également une dure leçon de sociopolitique internationale. L’auteur démonte les mécanismes de la corruption, la collusion de forces obscures qui, tels des chacals, s’enrichissent aux dépens du continent moribond. Des politiques et de grandes entreprises occidentales, complices des dirigeants africains achetables, pillent les ressources et laissent au peuple la pauvreté et la maladie. Le tout, narré par Salvo d’un ton alerte et teinté d’autodérision.

Mon éloquence naturelle eut une conséquence qui ni moi ni Philip, soupçonnai-je, n’avions prévue : le vieux Franco écarta d’un coup de coude sa béquille humaine pour enserrer mes deux mains dans les siennes. J’imagine qu’un Européen moyen y aurait tout bêtement vu un gros Africain en costume chatoyant s’efforçant de satisfaire à nos coutumes occidentales. Mais pas Salvo, l’enfant secret. Salvo retrouva en lui le protecteur autoproclamé de la Mission, connu par les frères et les serviteurs sous le surnom de Beau-Visage, forban et maraudeur solitaire, père d’innombrables enfants, qui se glissait dans notre Mission en brique rouge à la tombée de la nuit avec toute la magie de la forêt dans ses yeux, un antique fusil belge à la main, une caisse de bière et les deux pattes d’une proie fraîchement abattue dépassant de sa gibecière, après avoir parcouru trente kilomètres pour nous avertir d’un danger imminent.

John Le Carré, Le chant de la Mission, À Vue d’oeil, 2008, 485 pages

 

 

La pilule empoisonnée

La lecture n’en finit plus de m’enchanter. Quand suspense, connaissances, humanisme et plaisir esthétique s’amalgament entre deux couvertures, comment ne pas être subjuguée?

Ce dernier bonheur en date m’a été offert par un grand bonhomme dont je viens (à ma honte) de faire la rencontre : John le Carré. L’œuvre : La constance du jardinier.

jardinierTessa a été assassinée et Arnold est disparu. La situation plonge les membres du Foreing Office en poste à Nairobi dans l’eau chaude. Ainsi démarre l’histoire. Tessa, c’est la femme d’un diplomate du Foreing Office, avocate de formation, qui milite auprès des plus démunis du pays. Elle est secondée par Arnold Bluhm, médecin africain. Leur action les amène à découvrir la tragédie qui se joue sur fond de prescription d’un médicament supposé vaincre à peu de frais la tuberculose qui sévit encore dans certaines parties du monde. Si la molécule miracle produite par une pharmaceutique canadienne et mise en marché par une entreprise suisse est prometteuse, elle a cependant le défaut d’avoir été commercialisée trop vite. Et les Africains qui servent de cobaye à l’expérimentation meurent en grand nombre d’effets secondaires réfutés par des rapaces avides de profits. Tessa fait des pieds et des mains pour alerter les membres du Foreing Office afin que ceux-ci interviennent auprès des autorités compétentes et aptes à suspendre la commercialisation du produit, le temps de le mettre au point. Devant l’inertie des siens, Tessa s’adresse à d’autres instances, aux compagnies elles-mêmes, au gouvernement anglais, toujours sans succès. Il faut comprendre que ces révélations risquent d’éclabousser beaucoup de monde: les entreprises concernées, mais aussi les dirigeants corrompus du pays et certains hauts gradés du Foreing Office… Et voilà. On la fait taire à tout jamais. Le scandale serait peut-être étouffé si ce n’était de la constance du jardinier, Justin, le mari de Tessa tenu jusqu’à ce moment à l’écart des activités de sa femme.

Le livre nous en apprend beaucoup sur les rouages du pouvoir des grandes pharmaceutiques: magouillage des résultats de recherche et méthodes quelquefois terrifiantes de censure, silence des diplomates sur les entorses aux droits de la personne quand rien d’autre ne compte que les intérêts du pays qu’ils représentent, bâillonnement des scientifiques trop scrupuleux. En un mot, les dérives auxquelles peut mener la soif de profit. À ce sujet, voici ce qu’en dit l’auteur dans les notes de fin de livre:

Mais je peux vous dire une chose: à mesure que j’avançais dans mon périple à travers la jungle pharmaceutique, je me suis rendu compte que, au regard de la réalité, mon histoire est aussi anodine qu’une carte postale de vacances.

Et que dire du style de l’auteur. Époustouflant. Alerte. Brillant. Grinçant à l’occasion.

Gloria Woodrow était une de ces épouses modèles de diplomates résolues à toujours voir le bon côté des choses. Et si l’horizon ne s’éclaircissait pas, elle éclatait d’un rire franc et disait : «Eh bien, nous voilà tous dans le même bain!», cri de ralliement invitant les gens concernés à se serrer les coudes et à endosser sans se plaindre les misères de la vie. Fidèle ancienne des écoles privées qui l’avaient façonnée, elle les tenait régulièrement informées de son parcours et se repaissait des nouvelles de ses congénères. Pour l’anniversaire de la fondation, elle envoyait chaque année un télégramme de félicitations fort spirituel, généralement en vers pour que personne n’oublie qu’elle avait remporté le prix de poésie. Séduisante sans recherche, notoirement bavarde surtout lorsqu’il n’y avait pas grand-chose à dire, elle adoptait cette affreuse démarche dandinante qu’affectent les Anglaises de sang royal.

Paru en 2001, le roman a été adapté au cinéma en 2005. Sans avoir vu ce film, je pense qu’il n’a pu en subsister que l’ossature tant ce récit est construit sur les longs interrogatoires de divers protagonistes, interrogatoires qui livrent peu à peu toutes les clés de l’affaire.

Un grand livre. Un grand auteur.

 

John le Carré, La constance du jardinier, Éditions du Seuil, 2001, 450 pages, (version numérique)