Dommages collatéraux

Chers lecteurs, attendez-vous à un ralentissement du rythme des comptes rendus de lecture, car mon séjour floridien s’achève. Ralentissement qu’on pourrait qualifier de dommage collatéral du retour au Québec 😉.

En attendant, voici quelques impressions de la lecture de Contrecoup de Marie Laberge. Je dois dire, d’entrée de jeu, que depuis la trilogie Le goût du bonheur, je n’ai plus retrouvé le même plaisir de lecture aux romans de cette auteure chérie des Québécois.

Le propos

Contrecoup décrit les dommages collatéraux, comme ils disent dans les médias, d’une tuerie. Les jumeaux, Éloi et Rock, sont physiquement identiques, mais psychologiquement très différents. Lorsque Éloi décide de s’éloigner de son jumeau et de sa famille pour trouver son identité, vivre sa vie, Rock, dominateur et égocentrique, dérape. Sa rage le mène à s’acheter une arme d’assaut et à la décharger dans une boutique, tuant 3 jeunes femmes, dont Juliette, l’ex-petite amie d’Éloi. Divers protagonistes du drame, Éloi, bien sûr, mais aussi le père et la mère de Juliette, le père du meurtrier et quelques autres, prennent la parole et nous donnent à voir la douleur, l’incompréhension et les séquelles de cet acte barbare. Nous assistons à la reconstruction de certains d’entre eux tout comme du dépérissement des autres.

Mes impressions

Le roman n’est pas sans intérêt, loin de là. Pour preuve, je l’ai lu en 24 heures. Marie Laberge cherche de toute évidence à nous faire ressentir toute la gamme des émotions que peuvent vivre les victimes de ces tueries. Elle cherche moins la belle formule que la formule vraie. Le petit côté qui m’agace parfois, c’est le caractère didactique de certains passages. Elle explique peut-être un peu trop les ressorts psychologiques qui motivent les attitudes et les gestes de l’un ou de l’autre. Pour ma part, j’aime à ce qu’on me fasse ressentir sans expliquer. Sinon, à part quelques longueurs et une certaine perplexité quant au dénouement, j’ai bien aimé ce roman. Les fans de Marie Laberge devraient l’aimer aussi.

Un échantillon

Guillaume la considère avec surprise: Hélène n’est pas une philanthrope et si elle devient féministe après la mort de Juliette, ça n’aura rien à voir avec ses convictions. Enfin, celles qu’il lui connaissait. Il ne discute pas. Il souffle sur sa tisane en affectant l’air qu’il prend dans le groupe quand il entend un témoignage bâti sur un mensonge ou qui protège encore la personne de la dure réalité de son deuil. Ces échappatoires qui ont tellement l’apparence de la vérité et auxquelles on croit mordicus pour ne pas sombrer dans l’abîme qu’elles recouvrent. p. 171

Marie Laberge, Contrecoup, Québec Amérique, 2021, 504 pages

Affaires privées

dans les strates sombres de l’humanité où grouille la vermine

Mais pourquoi donc Vicky Barbeau, de l’escouade des cold cases, autrement dit des crimes non résolus, a-t-elle accepté de se mêler de ces suicides qui ne sont pas de son ressort ? Elle acceptera pourtant de se rendre à Québec et d’entreprendre une enquête officieuse sur le suicide d’une élève d’une prestigieuse école privée de la Capitale. Et tout ça, pour rendre service à son patron toujours épris de la mère de la jeune fille. Car la mère ne peut accepter le verdict du suicide. Vicky se penchera sur les circonstances du drame, espérant aider la mère éplorée à se résigner à la triste vérité. Or, les choses ne se passeront pas comme prévu. Ses investigations se ramifieront et des liens se tisseront entre ce suicide et un autre, celui d’une jeune fille de 12 ans ayant sauté du toit de l’école deux ans plus tôt. De plus, certains éléments non résolus du passé de Vicky referont surface et menaceront son objectivité et son efficacité. 

Il y a longtemps, depuis la trilogie Le goût du bonheur, que je n’avais pas eu autant de plaisir à lire Marie Laberge. Cette troisième enquête, Affaires privées, mettant en vedette Vicky et Patrice, son complice français, me semble plus aboutie que la précédente dont je n’ai pas fait écho dans mon blogue. Ici, l’auteure démontre qu’elle a du souffle, qu’elle sait jongler avec la complexité des êtres. Son héroïne avance à coups de présomptions et d’hypothèses que chaque nouvel indice réorganise pour cerner les coupables et éclairer leurs mobiles.

L’écriture de Marie Laberge est simple, claire et efficace. Pas d’envolées lyriques ni d’images étonnantes. Le ton me semble juste, sa sobriété cohérente avec le sujet et le genre.

Affaires privées est un bon roman policier qui éclaire les strates sombres de l’humanité où grouille la vermine. Un univers dont on peine à imaginer et à accepter la trop réelle existence.

Voyez ce qu’en dit Manon Demain dans le Devoir ouValérie Lessard dans la Presse

Marie Laberge, Affaires privées, 2017, Québec Amérique, 527 pages