Les mondes pĂ©rissablesđŸ©·
rome

Lecteur boulimique ou occasionnel, on adore s’Ă©vader par la fenĂȘtre d’un livre ouvert. On plonge dans des histoires qui nous emportent et qu’on engloutit comme une friandise. On bĂ»che sur des Ɠuvres difficiles au service d’une idĂ©e. Des livres « intellectuels Â». On s’ennuie dans des romans qu’on n’ose pas abandonner. Puis soudain, un livre nous pousse au fond de notre fauteuil. Il parle, nous semble-t-il, de l’essence des choses, de la condition humaine, dans un langage qui nous rejoint. Des comme ça, il n’y en a pas tous les ans, juste un de temps en temps. Juste quelques-uns au cours de toute une vie. Le sermon sur la chute de Rome m’a fait cet effet, celui d’un livre rare, important.

L’action se passe dans un village de Corse dont le petit bar sert de pivot aux principaux protagonistes, deux jeunes hommes, des enfants du pays, qui abandonnent leurs Ă©tudes en philosophie Ă  Paris pour reprendre la gestion du modeste Ă©tablissement malmenĂ© par ses prĂ©cĂ©dents administrateurs. Leur succĂšs spectaculaire finira cependant par tourner au cauchemar. L’univers qu’ils auront voulu y crĂ©er s’effondrera, comme tous ceux créés de main d’homme.

Avec une concision remarquable — Ă  peine deux cents pages — , Ferrari nous fait survoler tout un siĂšcle dĂ©chirĂ© par de terribles conflits (les deux guerres mondiales, la guerre d’Indochine, la guerre d’AlgĂ©rie) dont chacun sonne le glas d’un monde pour les peuples, les milliers de victimes, les survivants. Il en sera d’ailleurs beaucoup question, des mondes, de ceux qui disparaissent, de ceux qui structurent la prĂ©hension sur la vie, de ceux dont on rĂȘve et qui demeurent Ă  jamais inaccessibles, de ceux qui se scindent irrĂ©mĂ©diablement. Tous ont en commun d’ĂȘtre appelĂ©s Ă  disparaĂźtre tel que l’enseigne Saint Augustin aux fidĂšles Ă©plorĂ©s par la chute de Rome.

Le rĂ©cit alterne entre la jeunesse de Marcel et celle de ses petits-enfants, AurĂ©lie et Mathieu, donnant vie Ă  plusieurs personnages d’une grande finesse et d’une grande complexitĂ©.

Le sermon est une histoire captivante, profonde, magnifiquement Ă©crite, miroir de l’implacabilitĂ© du destin, de la difficultĂ© de la vie humaine qui sans cesse repousse sur les ruines des mondes pĂ©rissables qui la fondent, une mĂ©ditation sur le thĂšme de la fin et des origines.

Le sermon sur la chute de Rome s’est mĂ©ritĂ© le Prix Goncourt 2012.

Pour entendre Ferrari parler de son livre visionnez cette entrevue.

JérÎme Ferrari, Le sermon sur la chute de Rome, Arles, 2012, Actes Sud, 202 pages


Une rĂ©ponse Ă  « Les mondes pĂ©rissablesđŸ©·Â Â»

  1. Avatar de Carmen
    Carmen

    J’aime beaucoup ton texte. Il y a de ces livres qui nous choisissent. Au plaisir.

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