Les amours improbables de Schmitt

J’attends la livraison d’une commande de livres qui tarde. Mes poignets fatigués m’enjoignent de lâcher mes aiguilles. Le froid me décourage de faire une incursion vers la librairie ou la bibliothèque. Encabanée, désœuvrée, je suis en manque de lecture. Il reste bien, dans l’étagère, une pile de livres, certains prêtés, d’autres cueillis dans la petite librairie de rue, que je ne lirai probablement jamais. J’en extirpe tout de même une petite chose signée Éric-Emmanuel Schmitt : Les Deux Messieurs de Bruxelles. Je m’en excuse à l’avance auprès des fans de l’auteur (et ils sont nombreux et nombreuses), je n’aime pas beaucoup cet auteur. Je n’avais pas détesté La part de l’autre, paru en 2001, imaginant un Hitler qui n’aurait pas été écarté de l’École des beaux-arts. Mais depuis, ni sa littérature ni sa personne ne m’inspirent.

Mais bon, que dire de ces deux messieurs de Bruxelles? Sachez d’abord qu’il s’agit d’un recueil de cinq nouvelles dont le fil d’Ariane serait celui d’amours invisibles, de liens improbables entre des êtres que rien ne prédisposait à être reliés d’une manière quelconque. La nouvelle éponyme qui donne son titre au recueil met en scène un couple d’hommes qui se concoctent une sorte de mariage clandestin en se tenant dans l’ombre d’une église où on célèbre une union hétérosexuelle. Ce qui devait ne durer que le temps de la cérémonie aura des ramifications inattendues et durables dans la vie du couple gai. La seconde parle de l’importance vitale d’un chien dans la vie mystérieuse d’un notaire de village. Dans une autre, un homme voue une grande admiration au mari défunt de son épouse, au grand agacement de celle-ci, qui a l’impression de vivre dans un ménage à trois, d’où le titre de ce récit. Il sera encore question de transplantation d’organe et des bouleversements que cela peut entraîner pour les parents du donneur, ainsi que des questionnements déchirants de parents confrontés au pronostic d’une grave maladie affectant un foetus en gestation et à l’éventualité d’un avortement. Enfin, Schmitt partage quelques pages du journal d’écriture qui accompagne toujours son travail de rédaction.

Éric-Emmanuel Schmitt ne manque pas d’imagination. Ses histoires sont originales et leur conclusion, intéressantes, bien qu’il y a toujours chez lui ce petit côté gentillet qui m’agace, la petite leçon de vie un peu mièvre . Sinon, ce court recueil se lit facilement, sans grandes émotions, et s’avère reposant après une journée stressante, l’écoute d’une série survoltée ou la lecture d’un roman policier noir ou scabreux.

L’extrait

Devant l’autel, la fraîche et ravissante Geneviève Piastre, fine comme un lys dans sa robe de tulle blanc, s’unissait à un solide gaillard, Édouard Grenier, surnommé Eddy, lequel rougissait d’avoir échangé sa salopette de mécano contre un costume loué. Émus, pleins d’ardeur, impatients d’être heureux, ils rayonnaient. Grâce à un oncle, ils avaient obtenu le droit de se marier dans cette prestigieuse cathédrale où se déroulaient les célébrations de la famille royale, et non dans la sinistre église de leur quartier. Le prêtre les couvait comme deux confiseries précieuses cependant que, dans leur dos, familles et amis frémissaient à l’idée de festoyer jusqu’au bout de la nuit. À l’évidence, Geneviève entamait la plus belle période de sa vie.

[…]

Quand le prêtre demanda à Eddy Grenier s’il consentait à épouser Geneviève, l’un des deux hommes, le brun, proféra un oui ferme. Puis, quand le prêtre posa la question symétrique à Geneviève, le blond acquiesça en s’empourprant. Malgré les dizaines de mètres qui les séparaient de la cérémonie, ils se comportaient comme si le ministre de Dieu, sous la lumière jaune des vitraux, s’adressait à eux. p. 19

Éric-Emmanuel Schmitt, Les Deux Messieurs de Bruxelles, Le livre de poche, 2012, 257 pages


2 réponses à « Les amours improbables de Schmitt »

  1. Avatar de creativelyspeedyf2936d4b3b
    creativelyspeedyf2936d4b3b

    Et ton casse-tête, l’as-tu attaqué?

    1. Avatar de Carmen Robertson

      Attaqué, terminé et le cou scrap!

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