Sur la Route : Un Classique de la Contre-Culture

La réputation de ce livre n’est plus à faire. Il constitue une référence littéraire, un classique, le livre culte de la contre-culture des années 50, LE LIVRE dans le dictionnaire de mon cher mari. Il a fallu que je sois un peu à court pour attaquer l’œuvre qui meublait la bibliothèque familiale depuis 2000. J’admets que je suis peu attirée par les road trips et assez étrangère à ce qui a fait vibrer la beat generation. (On dirait même parfois, considérant mes goûts musicaux, que je suis née au 19e siècle 😂.) 

Mais revenons à ce roman partiellement autobiographique de Jack Kerouac, son deuxième, publié en 1957 et traduit en 1960. Grossièrement résumé, il s’agit des folles virées de Sal Paradise et de Dean Moriarty à travers l’Amérique. Sal, alter ego de l’auteur et narrateur, est un jeune écrivain en quête d’il ne sait trop quoi. Entre deux périodes d’écriture, il part à l’aventure, parfois seul, mais le plus souvent agglutiné à d’autres jeunes tous aussi paumés les uns que les autres. Les longues heures de route sont le moment, pour le narrateur, de se laisser imprégner par ce qu’il traverse. Il nous livre à la fois un tableau magnifique de ce grand pays que sont les États-Unis et un regard lucide et décapant sur la décadence et la pauvreté qui minent la société américaine. Les arrêts sur le territoire sont l’occasion de nuits furieusement agitées, très arrosées et si possible agrémentées d’aventures passagères. Sal et Dean apparaissent comme les deux visages d’une même personne que menace le désespoir. Tout au long du récit, on assiste au naufrage de Dean et à la rédemption de Sal. L’intérêt de cette histoire, qui n’en est pas vraiment une, tient au style de Kerouac, qui décrit les faits et gestes des divers protagonistes et qui laisse couler ses pensées et impressions dans le récit sans chercher à respecter aucun canon littéraire. Et tout ça, d’une plume qui m’a subjuguée.

Extrait

J’avais acheté mon billet et attendais le car de L.A. quand soudain je vis une gentille petite Mexicaine en pantalon s’engager dans mon champ de tir. Elle était dans un des cars qui venaient de stopper dans la station avec des gros soupirs d’air comprimé ; il débarquait ses voyageurs pour la pause. Les seins de la môme pointaient droit, et ne le devaient qu’à eux-mêmes ; ses flancs charmants promettaient des délices ; ses cheveux étaient longs et d’un noir satiné ; et ses yeux, c’était du bleu immense où rôdaient des timidités. J’aurais voulu prendre la même voiture qu’elle. Une douleur me transperça le cœur, comme chaque fois que je voyais une fille que j’aimais s’engager dans la direction opposée à la mienne sur cette planète trop vaste. Le speaker appela le car de L.A. Je ramassai mon sac et montai dedans et qui je trouvai là, installée seule ? Ma petite Mexicaine, bien sûr. Je m’assis juste en face d’elle et commençai aussitôt à faire mes plans. J’étais si seul, si triste, si claqué, si pantelant, si brisé, si foutu que je fis appel à tout mon courage, au courage qu’il faut pour raccrocher une inconnue et je passai à l’action. (p. 126)

La lecture de Sur la route restera pour moi un expérience mémorable. Moins pour l’histoire que pour l’atmosphère générale de l’époque, pour la satisfaction de connaître enfin par moi-même ce standard littéraire et pour le style littéraire de Kerouac qui m’a souvent tiré des Ah ! 

Jack Kerouac, Sur la route, Folio Plus, 479 pages (sans les notes et le dossier afférent)


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