Je viens de terminer Ma vie en trois actes de Jeannette Bertrand. Quelle surprise d’y avoir trouvé un tel plaisir ! J’avais l’impression de tout connaître de Jeannette, de cette époque. Et pourtant ! Ce siècle, vu à travers le prisme des yeux d’une femme engagée, sensible, intelligente, nous jette à terre. Je le savais, et je ne le savais pas que la situation des femmes avait été aussi terrible, je le savais, et je ne le savais plus que son émancipation était aussi récente. J’ai quand même vécu les trois quarts de ce même siècle que nous décrit Jeannette! On oublie… Chaque victoire nous fait un peu désapprendre la lutte qui l’a rendue possible. Et on se dit en refermant ce livre, il faut que nos filles lisent cela. Et nos gars aussi !

Jeannette Bertrand, nous raconte d’une plume toute simple, mais tellement vivante, son enfance, sa vie de jeune femme, son mariage avec Jean Lajeunesse, son divorce et la découverte d’un amour généreux, celui de Donald Janson. On découvre ou redécouvre l’incroyable carrière médiatique qu’elle a menée dans le grincement des portes qu’elle forçait à ouvrir. Elle dénonce le patriarcat et la puissance de l’Église qui conjuguaient leurs forces pour garder la femme au foyer, soumise, silencieuse. Elle dénonce aussi les fossés qui séparent les classes sociales ou qui contribuent à la marginalité de ceux qui sont différents. On prend la mesure de la somme de travail et des efforts incessants de la centenaire, pour informer, éduquer, faire changer les choses. Et pour se changer elle-même, qui avait si peu d’estime de soi. . L’autrice nous livre sa pensée dans des phrases courtes qui donnent du rythme au récit. C’est concret, c’est vivant, c’est addictif. J’ai dû plusieurs fois me faire violence pour fermer le livre à l’heure du dodo.
Extrait
Mon petit moi est petit, petit, petit quoi que je fasse. Malgré tous mes efforts, je suis une « dompe » d’imperfections. Je sombre dans la culpabilité. Je pourrais faire mieux, je pourrais faire plus attention, être moins brouillonne, plus ordonnée, moins impulsive, plus attentive aux fautes quand j’écris. Je pourrais apprendre à taper à la machine, je pourrais, je pourrais… Je me promets de me corriger de tous mes défauts et de devenir digne de Jean. Je me demande même comment il fait pour rester avec une femme si ordinaire, lui que je trouve extraordinaire. Je suis persuadée qu’à la première occasion il va partir avec une autre, mieux que moi. Elles sont toutes mieux que moi. J’ai des rechutes de jalousie ! Mais je me soigne. J’ai trop peur de le perdre. Je veux qu’il m’aime. Ma mère ne m’aimait pas, lui, il va m’aimer, coûte que coûte ! (p. 269)
Ma vie en trois actes est un voyage dans le temps, un tableau passionnant d’une société, de la création de la radio et de la télévision et de leur évolution. Mais c’est surtout le portrait émouvant d’une femme courageuse qui a su réaliser ses rêves envers et contre tous.
À mettre absolument entre toutes les mains !
Jeannette Bertrand, Ma vie en trois actes, Libre expression, 2023, 477 pages









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