Entre la relation mère-fille et le regard social

Annie Ernaux manquait à ma culture. Je savais qu’elle était une auteure importante (prix Renaudot en 1984, prix Nobel de littérature en 2022, traduite dans de nombreuses langues, étudiée partout…), et je l’avais vue citée par Jean-Philippe Pleau dans Rue Duplessis ainsi que par Caroline Dawson dans Là où je me terre, que j’ai lus récemment. Il était temps de combler cette lacune.

Publié en 1988, Une femme retrace la vie de la mère d’Ernaux, depuis son parcours ouvrier jusqu’à ses derniers instants, marqués par une maladie cérébrale qui efface peu à peu sa mémoire. Le livre mêle portrait intime et réflexion sociale, en montrant les écarts entre un milieu modeste, l’ascension de la fille devenue écrivaine et les transformations d’une époque. Ernaux est d’ailleurs souvent citée quand on parle de transfuge de classe.

Le texte frappe par sa précision et sa langue directe. La phrase d’ouverture en donne le ton :

« Ma mère est morte le lundi 7 avril dans la matinée, à l’hôpital de Pontoise, où je l’avais admise un mois plus tôt. »

Tout est dit sans détour, dans une écriture volontairement sobre.

Cette retenue donne au récit une authenticité certaine. On y sent la douleur, les regrets, mais aussi un respect immense pour la mère disparue. Pourtant, cette sobriété peut aussi créer une distance. Pour ma part, même si j’ai admiré la justesse des mots, j’ai eu du mal à être profondément touchée.

Au final, Une femme m’est apparu plus comme un témoignage que comme un récit bouleversant. Une œuvre lucide et forte, mais qui demande sans doute une certaine disposition du lecteur (que je n’avais pas) pour en recevoir toute la charge émotive. Peut-être est-ce aussi dû au fait que les thèmes du transfert de classe et de la relation mère-fille ne résonnent pas de la même façon dans mon expérience personnelle.

Une courte (108 à 120 pages selon l’édition) et belle lecture – et je me sens moins inculte 😊!

Photo: Wikipedia Commons


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