Un long silence de ma part ne signifie pas absence de lecture, mais plutôt manque de temps pour en rendre compte. En effet, voyage et lecture se sont partagés le lumineux mois d’octobre. Douglas Kennedy et Sorj Chalandon ont accompagné mes pérégrinations en France et au Québec. D’ailleurs, je lis davantage sur la route qu’à la maison, les livres n’étant pas mis en compétition avec le tricot. Car, non, je ne traîne pas mon tricot en voyage… pas encore 😉.
C’est R.J. Ellory qui a éclairé le sombre novembre que nous avons cette année. « Éclairé » n’est peut-être pas le terme idéal, car Papillon de nuit charrie avec lui beaucoup de ténèbres. Mais pas que.

D’entrée de jeu, on apprend que Daniel Ford a été condamné à mort pour le meurtre de son ami d’enfance, Nathan Verney, et qu’il nie en être l’auteur. Il importe de dire que Nathan est Noir, et Daniel, Blanc, ce qui n’est pas sans conséquences dans l’Amérique de l’après-guerre. Dans le couloir de la mort, Daniel a tout le temps de revivre ses souvenirs, aidé par un prêtre qui vient le rencontrer pour parler avec lui. Leurs conversations sont longues et fréquentes. Le prêtre pose beaucoup de questions et oblige Daniel à donner des réponses précises. On sent bien que quelque chose cloche dans cette histoire…
Si je tentais de résumer ça en une seule affirmation, comme si j’essayais de synthétiser toute ma vie en un seul paragraphe, je dirais que ce n’était vraiment qu’un histoire d’amitié. Mon amitié avec Nathan Verney a réellement été le début et la fin de tout. C’est avec lui que j’ai découvert le monde, et je ne vois pas un seul événement important antérieur à sa mort que nous n’ayons pas partagé. De six à vingt-quatre ans, nous avons vécu des vies parallèles, et si l’un ou l’autre partait de temps en temps à droite ou à gauche, ou alors marquait une pause, ralentissait, ou manquait un pas, nous finissions toujours par nous retrouver un peu plus loin. À vrai dire, j’aurais eu du mal à me créer une vie après la mort de Nathan. Une fois qu’il a été parti, il était peut-être plus facile de m’évanouir dans le système judiciaire américain, de disparaître de la vue et de l’esprit du monde. C’est ce que j’ai fait, et parfois je me demande si je ne voulais pas qu’il en soit ainsi. (p. 266)
Papillon de nuit est un polar qui prend son temps. L’introspection du protagoniste est mise en parallèle avec l’histoire des États-Unis entre 1950 et 1982, les violences raciales et la Guerre du Vietnam en constituant deux facettes essentielles du récit. On chemine à petits pas dans la narration des péripéties qui ont alimenté l’amitié profonde des deux garçons et mis en oeuvre l’engrenage qui a mené à cette nuit tragique où Nathan est mort.
Si ce roman parle d’incarcération, de peine de mort, de racisme, du côté sombre et lumineux de la justice humaine, c’est d’abord un hymne à l’amitié. C’est également un roman initiatique qui montre comment Daniel Ford se forge une identité malgré (ou grâce) aux épreuves sans nom auxquelles la vie le soumet.
Ellory est un grand auteur dont la lecture est un bonheur de tous les instants. Papillon de nuit est son premier roman publié.
R. J. Ellory, Papillon de nuit, Livre de poche, 2003, 505 pages.








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