Se construire autour d’un mystère

Je connais Rebecca Makonnen depuis mon adolescence, à l’époque où je regardais compulsivement MusiquePlus. Plus tard, elle a continué d’habiter mon univers radiophonique. Alors forcément, j’étais curieuse de découvrir son premier livre, surtout après avoir entendu ses collègues de La journée est encore jeune s’extasier à son sujet.

Le récit autobiographique Dans mon sang part d’un scénario déjà fort : une mère adoptive néo-brunswickoise, un père éthiopien et une vie à composer avec une identité québécoise bien réelle, portée par un arrière plan venu de loin. Mais sa quête identitaire se complexifie, je n’en dit pas plus. Le lien qu’elle décrit avec sa mère « de cœur » est touchant — une relation faite de tendresse, de loyauté et de silences. Et l’admiration qu’elle porte à son père absent ajoute un versant au récit.

C’est un très beau livre sur la recherche de soi, une quête de vérité où les réponses manquantes laissent des zones d’ombre parfois impossibles à éclairer. Apprendre à se construire autour d’un mystère, sur des fragments et des silences, ne doit pas être simple. Moi qui me considère choyée d’avoir accès à mes parents, à leurs histoires, je me sens à l’autre bout du spectre en lisant son témoignage.

J’ai aussi beaucoup aimé son style d’écriture : direct, aéré, sans emphase inutile. Elle laisse au lecteur le temps d’absorber les émotions, de respirer, de se sentir avec elle — ni comme spectateur, ni comme intrus, mais comme témoin bienveillant. Cette simplicité maîtrisée rend son récit encore plus vrai.

« C’est sans doute pour ça que je ne valorise pas les liens du sang ou la filiation biologique. Je suis intransigeante là-dessus. Même si elle ne m’a pas portée dans son ventre, j’ai développé la même allergie au soleil et aux piqûres de moustiques que Maman. Par osmose. Elle m’a élevée à son image, son ascendant sur moi est indélébile. Je suis la fille de Virginie Michaud, sans aucun doute. »

J’aurais aimé, peut-être, un peu plus de contexte sur l’Éthiopie, ce pays riche et complexe qui plane en arrière-plan de sa vie. Mais je comprends aussi que ce n’est pas l’histoire qu’elle a vécue, que cette part de ses origines était lointaine, presque abstraite. Peut-être que ce décalage fait partie intégrante du livre : il dit quelque chose de la filiation, de ce qu’on transmet… et de ce qui ne nous parvient jamais.


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