Tenir debout : une plongée émotionnelle 🩷

Oh! c’était du costaud, celui-là. Tenir debout de Mélissa Da Costa. J’avais déjà lu quatre romans de cette autrice, romans que j’avais appréciés et dont j’ai fait état dans ce blogue*. Mais ce dernier titre me semble se démarquer par l’ambition du propos et par la capacité de l’autrice à s’immerger dans un sujet particulièrement exigeant.

Tenir debout, c’est l’histoire de François et d’Éleonore, Léo pour les intimes. François est un comédien de talent, connu, reconnu, admiré, marié à Isabelle, metteur en scène. Léo est ouvreuse dans le théâtre où François officie. C’est la cigarette qui les met en contact. François, toujours à cours de feu, quête celui de Léo et de fil en aiguilles, il tombe en amour, se sépare de sa femme et s’apprête à emménager avec sa nouvelle flamme de 20 ans sa cadette. Or la veille du déménagement, François fait un accident de moto et perd l’usage de ses jambes. Et voilà, la vraie histoire commence.

Chaque chapitre est narré en alternance pas François et Léo. On les suit dans l’intimité du drame qu’ils vivent : la rage et le désespoir de l’un, le profond désarroi de l’autre. La lutte que chacun mène pour garder la tête hors de l’eau. Les passages tortueux que trouve l’amour pour s’exprimer. Le chemin sera ardu. Pourtant, le courage paiera et, pour paraphraser Leonard Cohen, la lumière passera au travers des craques des ténèbres.

Le style de Da Costa est sobre et efficace comme en fait foi l’extrait suivant.

Je suis allongé sur le dos, immobilisé dans un corset depuis sept jours. Sept jours à fixer le plafond et une télévision. Sept jours à morfler jour et nuit sauf quand je dors enfin, quand la morphine me libère. Je ne sais pas combien de temps il faudra pour que mes côtes et ma nuque cessent d’être si douloureuses. Sept jours entre horreur et irréalité. Parfois j’y crois, parfois je me dis que ce n’est qu’un cauchemar, une hallucination particulièrement coriace. Une hallucination qui n’en finit pas. À chaque réveil je suis toujours là, le corps meurtri, incapable de faire bouger le moindre muscle de mes jambes. À chaque réveil je me dis : ce sera le bon. Il faut bien que l’horreur prenne fin. Elle prend toujours fin, non? Pourtant, il n’y a pas d’amélioration. L’immobilisation forcée a ankylosé mon corps, raidi mes muscles, rigidifié mes articulations. Le moindre mouvement des épaules est un supplice. Quant au mental… Comment dire? Je m’enfonce. Je coule. Voilà. (p. 99)

Tenir debout est une histoire dure, mais infiniment touchante. En tant que personne ayant agi à titre de proche aidante de mon amoureux durant quelques années, j’avoue que certaines scènes ont ranimé ma tristesse. Mais chaque histoire est différente et celle-ci nous tient en haleine de bout en bout. À lire absolument.

Mélissa Da Costa, Tenir debout, Albin Michal, 2024, 602 pages


Laisser un commentaire

En savoir plus sur Au bonheur des mots

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture