Une chose à cacher

Elisabeth George m’était inconnue jusqu’à la lecture de ce roman dont j’avais inscrit le titre dans ma liste perpétuelle à partir d’une suggestion dont j’ai oublié l’origine, mais qui m’a permis de découvrir une auteure de polars renommée et prolifique.

Une chose à cacher, c’est l’enquête la plus récente (sa première remonte à 1990) de l’inspecteur Lynley de Scotland Yard. Le meurtre d’une policière d’origine nigériane nous plonge dans le drame des excisions et des mariages forcés pratiqués par les peuples somaliens et nigériens, et ce, jusque dans les communautés des grandes villes occidentales. Londres, dans ce cas ci. Pratiques le plus souvent clandestines et dont les conséquences sur la santé et le bonheur des femmes sont désastreuses.

L’auteure nous invite dans une famille traditionnelle dominée par un père despotique et brutal qui a décidé de faire exciser sa fille de 8 ans pour la marier au Nigeria. Il compte renflouer la dot qu’il doit verser en mariant également son fils adolescent avec une jeune fille de leur pays d’origine. Des enfants traités comme de la vulgaire marchandise. Or, le paternel rencontrera des obstacles de taille dans la réalisation de ses projets. Chacun des membres de cette famille nous ouvre d’autres portes, celles des cliniques pratiquant ces opérations illégales ou réparant les dégâts, celles des groupes de défense des filles et des femmes d’origine africaine, celles, plus intimes, des familles des différents acteurs de l’intrigue. L’inspecteur Lynley mène une enquête complexe et fascinante par le choc des cultures qu’elle illustre, par les diverses ramifications de l’affaire, par les plongées dans la complexité des relations conjugales et familiales des protagonistes.

Mis à part le langage coloré et irrévérencieux de Barbara Havers, la collaboratrice de Lynley, l’écriture de George est sobre et efficace. La traduction est correcte sans être admirable, mais sans nous agacer.

J’avoue que j’aurai très envie de me promener à nouveau dans les rues de Londres sur la trace de Lynley. 20 bouquins. Du plaisir en banque.

Elisabeth George, Une chose à cacher, Presse de la Cité, 2022, 688 pages

Éloge de l’amitié

Le plaisir qu’on prend à la lecture n’a pas qu’à voir avec la qualité littéraire de l’oeuvre. Sinon, tous aimeraient plus ou moins chaque livre à un même degré. Or ce n’est évidemment pas le cas. Le plaisir de lecture semble plutôt le résultat d’une chimie complexe entre le récit et la voix d’un auteur et nos propres récits et voix intérieures à un moment donné. Tout ça pour vous dire que j’ai adoré Trois de Valérie Perrin dont j’avais déjà apprécié les deux romans antérieurs, particulièrement Changer l’eau des fleurs. Sans doute la lecture dont j’avais besoin maintenant.

Le thème

Trois, comme dans trois enfants que le hasard des regroupements d’élèves, lors de la rentrée scolaire, va unir pour la vie. Leur nom de famille commence par B. Deux garçons, Étienne, le magnifique, et Adrien, le timide. Une fille, leur ciment, Nina. Chacun d’eux trouvera chez les deux autres l’amour dont les abandons ou le manque de reconnaissance les a privés. On va les suivre de cette journée de rentrée — ils ont plus ou moins 10 ans — jusque dans leur quarantaine, ce mitan de la vie qui invite aux grandes remises en question. L’amitié indéfectible de l’enfance et de l’adolescence sera mise à dure épreuve par les deuils, les secrets, la quête identitaire, les replis sur soi, les trahisons, la vie, quoi ! Mais elle survivra et saura les mener plus haut, plus loin, les rendre meilleurs. Certains romans sont tissés sur canevas rugueux, celui-ci me semble fait de dentelle. C’est délicat et plein d’amour, de sollicitude et de tendresse. 

Valérie Perrin sait créer une atmosphère par des phrases courtes, des mots simples, terriblement efficaces, et des images inattendues, comme des étincelles qui fusent du feu tranquille de l’âtre.

L’échantillon

Nina retire ses gants. Elle voudrait que cette traversée du refuge dure mille ans. La jeune main dans la sienne, déjà plus grande que la sienne, mais si douce. Ces doigts qui la serrent lui rappellent ceux d’Étienne et d’Adrien. Ils la branchent à l’adolescence, l’insouciance. Comme une prise dans laquelle on glisse deux fiches. Un luminaire en hiver. Un coup de soleil. Les yeux fermés, Valentin se laisse guider. Comme s’il marchait sur un fil suspendu dans le ciel et qu’il avait le vertige. Son profil parfait, comme celui de son père. Il pleut à présent. De la neige fondue dans ses cheveux.

Valérie Perrin, Trois, Livre de poche, 2021, 765 pages

Le défi de rester humain

Yacine est né au début du 20e siècle, dans un coin reculé de l’Algérie, un douar dont il ignore même le nom. Il croyait y faire sa vie comme son père et son grand-père avant lui, vivant de peu et ne connaissant rien du vaste monde. C’était sans compter sur le destin qui avait pour lui d’autres projets. Bien malgré lui, il se retrouve soldat, expédié en France en pleine Première Guerre mondiale. À partir de ce moment-là, sa vie sera une suite d’aventures et de mésaventures, d’accalmies et d’épreuves sans nom. Sa profonde capacité d’amour, sa bienveillance inébranlable lui permettront de traverser les malheurs sans y perdre son humanité.

J’avoue avoir trouvé éprouvante la lecture de cet excellent roman de Khadra, ce que je m’explique difficilement d’ailleurs. L’écriture est limpide, l’histoire pleine de rebondissements, le personnage de Yacine très attachant. Mais par moment, je me suis sentie écrasée par la cruauté du mauvais sort qui s’acharnait sur lui, par le sentiment que la vie est injuste et sans cœur.

Je crois cependant que la majorité des lecteurs aimeront ce très bon roman de Khadra. Pour preuve, quelques critiques élogieuses, celle de la Presse, de Franceinfo, et pour ceux que ça intéresse, un résumé biographique dans La Croix.

Yasmina Khadra, Les vertueux, Mialet-Barrault, Paris, 2022, 541 pages

Passionnantes Lumières

Quel objet singulier que ce grand œuvre d’Élisabeth Badinter, Les passions intellectuelles, jolie brique de plus de 1200 pages, parue dans la collection Bouquins, chez Robert Laffont. Singulier par son volume et par son sujet.

Une somme de recherche effarante (48 pages de sources) a permis à cet éminent membre de l’Académie française de faire un portrait fouillé des passions qui animent savants et philosophes au siècle des Lumières, et, plus particulièrement entre les années 1730 et 1778. Trois académies regroupent les gens de la République des lettres à cette époque : l’Académie française fondée par Richelieu en 1634, dont la mission est de rédiger le Dictionnaire de la langue française, l’Académie des inscriptions et des belles-lettres, fondée par Colbert en 1663, qui s’occupe de travaux historiques et archéologiques, et enfin et non la moindre, l’Académie royale des sciences, également fondée par Colbert en 1666 et qui regroupe chercheurs et savants de toutes disciplines. 

Malgré les intentions de collégialité qui ont présidé à leurs créations, et l’humain étant ce qu’il est, on assiste au 18e siècle au spectacle du déchaînement des passions de fortes personnalités en quête de reconnaissance, d’influence et de gloire, tant auprès des pairs que des princes régnants. On est aussi témoins de la naissance d’une force qui fait encore la pluie et le beau temps de nos jours : l’opinion publique.

Cette vaste fresque grouille de noms souvent inconnus (index de 58 pages !), mais aussi et surtout de noms célèbres tels que ceux de Rousseau, Voltaire, D’Alembert ou Diderot. C’est finalement une grande page de la vie intellectuelle française qu’écrit l’auteure, et qui a des échos dans la vie intellectuelle contemporaine. 

J’avoue que je n’ai pas dévoré ce bouquin comme on le fait d’un bon roman policier, mais mon intérêt a été soutenu par la découverte des personnes derrière ces grands noms. En effet, le parti pris de l’auteur est de nous faire découvrir les passions qui ont animé ces intellectuels marquants plutôt que leurs découvertes et leur apport à leur domaine de recherche. À raison de quelques pages tous les soirs, avant d’éteindre, j’ai réussi, en deux mois, à passer à travers de cette intéressante lecture.

Élisabeth Badinter, Les passions intellectuelles, Robert Laffont, Coll. Bouquins, 2018, 2106 pages

Histoire sombre

La doublure de Mélissa Da Costa, une grosse brique de 567 pages, raconte une histoire sulfureuse. 

Une jeune femme est engagée par une artiste peintre pour devenir sa doublure, c’est-à-dire son visage public. Évie sera donc celle qui personnifiera Clara Manan, alias Calypso Manan de son nom d’artiste, dans les vernissages et les apparitions publiques. 

L’auteur met en place, petit à petit, les rouages d’un univers de rouerie, de drogues, d’échangisme. Pour amateurs de romans sombres aux accents gothiques. 

Mélissa Da Costa, La doublure, Albin Michel, 2022, 567 pages

Le déhonneur

Un récit à la sauce d’Éric Vuillard, c’est toujours un moment de lecture jouissif et terrifiant. Jouissif en raison de la plume alerte et acérée de l’auteur, terrifiant, car mettant au jour sous une lumière crue le cynisme des acteurs impliqués dans le drame qui nous est raconté. Dans Une sortie honorable, Vuillard fait l’autopsie des intérêts français qui ont conduit à la guerre d’Indochine (devenue guerre du Vietnam sous la conduite des Américains).

Dans un premier court chapitre, l’auteur dépeint le traitement cruel, que dis-je, le quasi-esclavage des travailleurs locaux dans l’exploitation des ressources — étain, charbon, latex. Ce bref exposé permet de saisir tout le reste, le soulèvement des Vietnamiens, les années de conflit. 

Vuillard trace des portraits acides des personnalités et des grandes fortunes qui exploitent des richesses, leur cupidité sans borne. On comprend que cet interminable carnage est moins l’affaire du gouvernement français que celle de puissantes sociétés privées, à moins que les deux se confondent…

« En somme, au nom de l’honneur national, la banque encourageait depuis le Parlement, une guerre meurtrière, dont elle tirait profit, et qu’elle estimait, pourtant, perdue. Et derrière les gesticulations cocardières de Frédéric-Dupont, derrière l’ordre colonial défendu par Violette et Michelet, derrière les déclarations patriotiques enflammées des de Lattre et des Navarre, derrière les atermoiements de Bidault et les menaces de Dulles, la banque avait clairement misé sur la défaite de la France. » (p. 190)

Ci-dessous un échantillon du côté jouissif de cette lecture :

« L’ombre du président Herriot avance sur le trottoir en boitant formidablement, appuyant sur sa canne son corps gigantesque, rempli de nébulosités et de ténèbres, tordu, brinquebalant, se balançant comme certains dindons, mâchonnant aussi, peut-être une mauvaise dent, un bridge un peu déchaussé. Une fois entré dans le restaurant, après quelques pantagruéliques mouvements de buste, une fois fichu son gigantesque baba entre les anses du fauteuil, le vieux bison rumine. » (p. 39)

L’auteur, qui avait obtenu le Goncourt en 2017 pour L’Ordre du jour, nous offre ici une analyse incisive de la fin de l’engagement français en Indochine, guerre sans honneur qui fit dix fois plus de victimes du côté vietnamien que du côté français, et pour laquelle les colonisateurs cherchent une impossible sortie honorable.

Éric Vuillard, Une sortie honorable, Actes Sud, 2022, 199 pages

Les déracinés

Tiohtiá:keMontréal en langue innue. Kukum, de Michel Jean, paru en 2019, a été un immense succès de librairie faisant connaître à un plus large public l’écrivain qui publiait déjà depuis 2008. Kukum est un livre qui m’a marquée, me faisant vivre de l’intérieur le basculement tragique du mode de vie des Innus tel que vécu par la grand-mère de l’auteur. Le dur mode de vie traditionnel d’un peuple semi-nomade est abruptement cassé par l’invasion de leurs territoires de chasse par les compagnies forestières. S’en suit la sédentarité forcée combinée au rapt des enfants envoyés dans les pensionnats, ingrédients d’un génocide culturel dont les ravages se répercutent sur toutes les Premières Nations et expliquent en partie le drame des sans-abris autochtones dans les rues de Montréal. 

Tel est le propos de Tiohtiá:ke. Élie Mestanapeo, natif de Nutashkuan (Pointe Parent pour les francophones de Natashquan), est arrêté pour le meurtre de son père et écroué durant dix ans dans le centre à sécurité maximale de Port-Cartier. Pire, il est banni à vie de sa communauté. À sa sortie de prison, il gagne Montréal où il viendra grossir le contingent des autochtones déracinés. Il y fera la connaissance d’êtres marqués, mais pourvus du sens de la communauté. Il s’y battra contre ses démons hérités de son lourd passé. Pourtant, ces rencontres lui offriront les conditions d’une rédemption.

On peut comprendre cette œuvre comme une suite logique à Kukum. De ce point de vue, cette histoire est intéressante, instructive. Elle permet de confronter nos préjugés quant aux raisons qui expliquent la présence d’autochtones parmi les sans-abris des grandes villes. Mais malgré cet intérêt, quelque chose m’a empêchée de me laisser happer par ce livre comme je l’avais été par Kukum. Est-ce le fait que les protagonistes s’expriment dans un langage châtié alors qu’on s’attendrait au langage de la rue ? Ou à une impression de candeur dans la description des personnages, et ce, malgré quelques événements violents ? 

Reste que le roman vaut le détour pour le précieux point de vue que nous offre l’auteur sur la compréhension de l’univers autochtone qui nous est encore aujourd’hui tellement étranger. 

Pour un autre avis, lire la critique du Devoir.

Michel Jean, Tiohtiá:ke, Libre Expression, 2021, 234 pages

Le visage méconnu d’un génocide

Kukum. Un tout petit livre qui raconte une grande histoire. Celle des dernières années de nomadisme des Innus du Lac-Saint-Jean. Avant l’exploitation forestière, l’éviction des Innus de leurs territoires de chasse, leur confinement dans les réserves, l’enlèvement de leurs enfants pour les envoyer dans les pensionnats et la déréliction d’un peuple privé de ses repères. En nous racontant l’histoire de sa grand-mère, Denis Jean dresse un panorama beaucoup plus large, que nous commençons à peine à entrevoir, avec crainte, avec honte. Ce sont tous les autochtones de toutes les Amériques qui ont vécu ce drame, d’une manière ou de l’autre. Un livre magnifique, touchant, éclairant.  

Michel Jean, Kukum, Libre Expression, 2019, 222 pages

Triste à pleurer

Beyrouth 2020. Journal d’un effondrement. Une histoire unique et pourtant trop répandue dans le monde. Un petit pays, le Liban, qui avait tout pour offrir à ses habitants une vie prospère et heureuse. Puis la corruption qui s’installe, qui engraisse ses porcs au détriment du peuple. Jusqu’à l’effondrement économique. Et comme si ce n’était pas assez, la Covid qui s’en mêle. Puis, comme une terrible illustration de cet effondrement, l’explosion du port. Et rien pour nourrir l’espoir…

Un petit livre qui nous permet de mieux comprendre ce pays dont nous avons accueilli au Canada tant de ressortissants, lesquels contribuent par leur travail à notre prospérité collective.

L’article du journal Le Point

Charif Majdalani, Beyrouth 2020. Journal d’un effondrement, Actes Sud, 2020, 149 pages

Du bonheur en feuilles

Dominique Fortier, Les villes de papier, Alto, 2020, 185 pages

Une biographie hors norme d’une poétesse également hors norme. Une approche très personnelle, toute en sensibilité et en poésie.

À lire, l’article du Devoir.

Prix Renaudot Essai 2020

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Marie-Hélène Lafon, Histoire de fils, Buchet Chastel, 2020, 171 pages

André est le fils de Gabrielle et d’un amant qui ignore l’existence de l’enfant. André est élevé en région, par sa tante et son oncle. Pour eux, il est le fils inespéré après la naissance de trois filles. De même, pour les cousines, il est le frère qu’elles n’ont pas eu. Tout le monde adore André. Ce qui ne l’empêchera pas de sentir en lui une brèche qu’il tentera de combler en cherchant à découvrir l’identité de son père. En peu de pages, l’auteure nous fait traverser un siècle. On sort de cette lecture avec la conscience du caractère essentiel des racines et de la fugacité d’une existence. Vertige.

À lire sur France Culture

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Etienne de Montety, La grande épreuve, Stock, 2020, 300 pages

Dès le début du roman, on sait à quoi s’attendre. Deux jeunes barbus entrent dans une église, armés de couteaux, durant une messe à laquelle n’assistent qu’une poignée de personnes. Puis l’auteur nous ramène en arrière et nous montre les rouages en action, qui vit mener à l’assassinat du vieux prêtre. J’ai commencé le livre avant le souper et je n’ai pu aller me coucher que lorsque je l’ai eu terminé. Autopsie poignante d’une société clivée entre ses groupes sociaux et religieux ainsi que des mécanismes qui soutiennent la radicalisation de certains de ses membres.

Lire l’article du Nouvel Observateur

Y a que les folles qui ne changent pas d’idée. J’avais annoncé la mort de ce blogue, mais je ne peux résister à l’envie de vous dire un mot du roman que je viens de terminer : Évasion, de Benjamin Whitmer. La quintessence du noir, déclare Pierre Lemaitre dans la préface qu’il signe. Un roman noir, ça, c’est certain. Ténébreux. Avec tout au plus quelques lueurs pour ne pas nous désespérer complètement. Mais un sacré bon livre.

L’affaire se passe aux États-Unis, dans une petite ville dont toute la vie semble tourner autour de la prison d’Old Lonesome. Un soir de tempête, des prisonniers s’évadent et se dispersent dans la nature. Le brutal directeur de la prison lâche ses chiens sur leur piste. Ses chiens, comprenez les gardiens de prison qui, à une exception près, sont d’une férocité innommable. Deux journalistes et la cousine d’un des fuyards sont de la partie pour des raisons qui leur sont propres. Et nous partons avec eux dans la tempête pour une nuit d’enfer et de carnage. Il y aura beaucoup de sang répandu et de chair broyée. 

Par-delà les éléments du récit, c’est la face sombre de l’Amérique que Whitmer nous révèle. On entrevoit cette Amérique inculte, pauvre, victime de l’alcool et de la drogue. Face sombre qui a sans doute à voir avec la fascination de nos voisins pour les armes et les tueries si régulières et si nombreuses qu’elles nous en paraissent banales, les Terminators s’attaquant au Capitol, un policier écrasant à mort le cou d’un Afro-Américain. Oui, Évasion est un roman impitoyable et ne distille que peu d’espoir. Mais c’est aussi un roman éclairant et d’une écriture moderne et efficace. Seul petit agacement, la traduction française du dialecte des bas-fonds. Je vous le recommande si vous n’avez pas trop peur du sang.

Benjamin Whitmer, Évasion, Gallmeister, 2018, 407 pages

Une dernière rafale

Avec Les derniers des branleurs, ce n’était pas gagné d’avance. La brique de Vincent Mondiot nous plonge dans l’univers tordu de lycéens français en danger de rater cette importante étape du parcours scolaire, celui qui leur permettra d’accéder aux études supérieures. Ce ne sont pas de mauvais ados, mais ils ont juste perdu tout intérêt pour leurs études et leur préfèrent le temps passé à fumer des joints, à s’amuser à des jeux vidéo ou à lire des bandes dessinées de manga. Pourtant, malgré le décalage entre leur univers et le mien, malgré leur langage d’ados mal embouchés, malgré le peu de péripéties du récit, je me suis surprise à tenir bon, à vouloir savoir à quoi rimerait cette histoire. Les personnages sont à la fois détestables et attachants. À mon propre étonnement, j’ai bien aimé.

Prix Vendredi 2020

Vincent Mondiot, Les derniers des branleurs, Acte Sud junior, 2020, 451 pages

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Ce qui plaisait à Blanche ne m’a pas beaucoup plu. J’avais pourtant été harponnée dès les premières pages, mais la suite a fini par me lasser. L’auteur nous parle d’un homme qui se laisse séduire par une femme au magnétisme exceptionnel, femme qui aime entraîner sa cour dans des soirées plus que sulfureuses où tout est permis et son contraire. Jean-Paul Enthoven crée un univers aux accents gothiques dont la substance me semble quand même légère.

Prix Interallié 2020

Jean-Paul Enthoven, Ce qui plaisait à Blanche, Grasset, 2020, 309 pages

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Après ces deux livres très particuliers, j’ai eu le goût de me plonger dans un roman qui ne me laisserait pas le temps de souffler. Les ombres de Katyn, du regretté Philip Kerr, me promettait ce genre de plaisir. Comme toujours, les oeuvres de Kerr sont basées sur des événements historiques bien documentés comme en font foi les notes de l’auteur en fin de récit. Dans ce roman, Kerr nous présente une scène troublante de la Deuxième Guerre mondiale : les Russes ont abattu et enterré dans la forêt de Katyn, 14500 officiers polonais. L’action du récit se situe en 1943, alors que les Allemands, installés dans le coin, découvrent le site d’enfouissement. Bernie Gunther, le célèbre inspecteur créé par l’auteur, y est dépêché pour enquêter sur le drame qu’on ne fait encore que soupçonner. Kerr arrive à nous instruire de cette terrible page d’histoire sans pour autant renoncer à son humour caustique qui allège par moment l’atmosphère. Un excellent Kerr.

Philip Kerr, Les ombres de Katyn, Le livre de poche, 2013, 661 pages

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Dans un tout autre registre, le plus récent bouquin de Bernard Pivot, … mais la vie continue. L’octogénaire nous parle des avantages et des désagréments de la vieillesse avec l’humour et la légèreté qui le caractérisent. Il éblouit par l’étendue de son vocabulaire et des expressions avec lesquelles il jongle avec un plaisir évident. J’ai souri, j’ai même ri par moments. Un livre bonbon.

Bernard Pivot, … mais la vie continue, Albin Michel, 2021, 221 pages

Sur ce, je met fin à la tenue de ce blogue que j’ai alimenté durant plus de dix ans. D’autres activités me demandent de leur consacrer davantage de temps et celui-ci n’étant pas élastique… Merci à vous tous qui m’avez lue et qui avez parfois partagé vos réflexions. Et bonne lecture !