J’ai quelque fois suspendu ma lecture d’Angélique, de Guillaume Musso, pour m’interroger sur les qualités d’un bon livre. Mauvais signe pour la lecture en cours. Quand l’esprit s’évade pour prendre du recul et s’interroger sur la valeur de la proposition littéraire, il y a sûrement un problème. Je ne suis pas fan de Musso, mais j’avais apprécié La vie est un roman qui avait valu à l’auteur le plus lu de France d’être invité à la Grande librairie. Je me rappelle avec un certain malaise de l’attitude condescendante de François Busnel qui semblait s’étonner lui-même d’y recevoir un auteur généralement regardé de haut par l’élite littéraire. Et de l’embarras évident de Guillaume Musso sensible à cette mésestime.
Pour en revenir à Angélique, disons que ce court roman (317 pages écrites en assez gros caractères) m’a laissée dubitative. Ici et là, un personnage ou une péripétie interrompt ma lecture. Et de me demander, est-ce crédible? À titre d’exemple, le personnage principal, laissé pour mort dans un palais vénitien, poignardé et submergé par une marée historique, qui soudain réapparaît sans qu’on sache de quelle manière il a été sauvé. Par ailleurs, la construction est intéressante, avec des allers-retours du passé au présent, des formes narratives diverses, rapports de police, lettre, narration.
L’histoire est difficile à résumer tant les personnages sont changeants. Un policier à la retraite se trouve entraîné dans un enquête au sujet de la mort supposément accidentelle d’une ancienne danseuse étoile par la fille de celle-ci, qui remet en question la thèse officielle. Au fil des pages, tant l’inspecteur que la danseuse ou sa fille se révèlent autres que la première impression suggérée par l’auteur. En soi, cet aspect de l’œuvre pourrait être intéressant à condition qu’on y croit. Mais voilà, ces changements de paradigmes me sont apparus artificiels, comme une recette à suivre.
Les fans de Musso pourraient mieux que moi parler de son style, que je ne pourrais qualifier de très personnel, mais de sobre, correct. À quelques occasions, j’ai eu l’impression qu’il en mettait trop, notamment dans les moments angoissants vécus par l’un ou l’autre des protagonistes.
Le premier coup le frappa à l’épaule. Il l’accueillit avec fatalisme sans même avoir le temps d’esquisser le moindre geste de protection. Il lui fit presque du bien, comme une saignée salutaire qui permettrait de le purger de ses tourments. Un coup de plus dans la vieille carcasse écrasée de fatigue, engluée dans des tourments dont il ne se libérerait jamais. Angélique libéra sa lame et réarma son bras. Une part de lui avait renoncé, presque heureuse d’en finir. Au fond, n’avait-il pas parcouru ce chemin uniquement pour en arriver là? Cette enquête était-t-elle autre chose que la traversée d’un labyrinthe dont la seule issue était sa propre mort? (p. 275)
Même dans l’insouciance propre à une lecture de plage, il me serait difficile de dire que Musso m’a fait passé un très bon moment. Dommage.
Guillaume Musso, Angélique, Calman-Levy, 2022, 317 pages