La nuit, quand je fais de l’insomnie, des martinets font des arabesques sur mon ciel de lit, lançant leurs cris pointus comme des mots orphelins. Ces mots scintillent un moment, comme des lucioles dans la brunante qui m’enveloppe. Ils s’éteindront dans l’eau noire du sommeil, et au matin, ils n’auront jamais existé. À moins que je ne capte ces lueurs éphémères, signaux du monde ténébreux au-dessus duquel nous marchons, inconscients du trésor, comme les paysans italiens cultivant leur lopin au-dessus d’une Pompéi oubliée.
Moi, la nuit, lorsque la nuit offre un peu de silence et d’obscurité à mes rêves éveillés, j’accompagne un moment tous ceux que je n’ai pas connus et que je sens pourtant vivants en moi, mon oncle Alphonse, ma grand-mère Diana, ma soeur Marielle… Une petite goutte de sang de chacun d’eux coule dans mes veines.
J’aime cette idée de visiter, la nuit, les absents de fraîche ou de longue date. C’est un des grands privilèges des gens sans contrainte quant à l’heure du lever que de transformer les insomnies, de cauchemars qu’ils étaient souvent, en rêves éveillés!