Fantômes sur le Rhin

Je viens de faire la découverte d’un auteur, Bernhard Schlink, nouveau pour moi, mais connu mondialement, notamment pour Le liseur, que je n’ai pas encore lu. J’ai plutôt choisi, pour faire sa connaissance, la série policière mettant en scène Gerhard Selb, personnage construit en collaboration avec Walter Popp, dont le premier opus, Brouillard sur Mannheim, paraît en 1987 en langue allemande. 

Le propos

Juge de profession, Schlink sait y faire lorsqu’il dessine un décor de crime. Le décor en question est allemand : Mannheim, Heidelberg, le Rhin. Selb fut procureur au temps de la guerre, mais à la fin de celle-ci, il a quitté le métier pour exercer celui de détective privé. C’est donc un monsieur autour de la soixantaine qui est contacté par un ami d’enfance et ex-beau-frère, Korten, alors directeur général de la puissante Société rhénane de chimie (RCW), pour aider à résoudre une infiltration des systèmes informatiques de la compagnie. À l’époque où se situe l’action, l’informatique en est encore à ses balbutiements et Selb est tout, sauf à l’aise avec ce nouveau langage. Il s’attaque tout de même à la question et résout rapidement l’énigme sur laquelle sèche l’équipe de sécurité de la RCW. Son mandat se termine là. Du moins le croit-il. Or le décès de celui que Selb avait démasqué, un accident douteux, relance notre limier, à titre personnel, sur l’affaire qui s’avère beaucoup plus complexe qu’il avait cru. L’enquête mettra au jour des ramifications remontant au temps de la guerre, des SS, et impliquant personnellement Selb, le confrontant à ses vieux démons et à une époque qui lui a laissé un pénible sentiment de culpabilité.

Le style de Schlink m’a quelque peu fait penser à celui de Philip Kerr. Mis à part le fait que les deux auteurs nous ramènent à l’époque du règne des SS, ils partagent un certain humour. Son héros, plus tout jeune, gros buveur, gagne tout de même notre sympathie par sa maladresse avec les femmes et son désir de justice inentamé. L’auteur se permet de courts chapitres sans lien avec l’enquête, juste pour le plaisir de nous faire mieux connaître son personnage, ce qui lui donne en effet davantage d’épaisseur. Selb n’est pas qu’un cerveau. 

L’extrait

« À la fin de la guerre, on n’a plus voulu de moi. J’avais été un national-socialiste convaincu, membre actif du parti, un procureur impitoyable qui avait aussi demandé et obtenu la peine de mort à plusieurs reprises. Certains de ces procès avaient été spectaculaires. J’ai cru en tout cela et en mon rôle de soldat du front juridique : blessé dès le début de la guerre, je ne pouvais plus être envoyé au front tout court. […] Je n’avais plus d’avenir comme procureur. Je ne voyais en moi que le procureur national-socialiste que j’avais été et que je ne pouvais plus être. Ma foi avait disparu. Vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point on pouvait croire au national-socialisme. » (p. 150)

J’ai bien aimé cette lecture malgré la profusion des noms allemands que je peinais à mémoriser. Un polar qui vous laisse respirer, vous fait rire ou sourire, un héros sympathique tout en étant pitoyable par moment et une intrigue originale, on a tout ça dans Brouillard sur Mannheim.

Bernhard Schlink, Brouillard sur Mannheim, Folio policier, 1997, 347 pages

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