KWE!

Ce mot que nous entendons de plus en plus souvent, notamment sur les ondes de la radio et de la télévision, commence à nous être familier. Ce mot, Champlain, qui aimait tant nouer des liens avec les Premières Nations, a dû l’entendre souvent. Ce mot ou ses nombreuses déclinaisons. Et il devait le prononcer aussi parce que ce grand navigateur et découvreur connaissait les rudiments des langues autochtones, ces langues qui se parlaient sur l’ensemble du continent nord-américain avant l’arrivée des Européens. Avant le drame qui frappera les occupants du territoire, avant leur acculturation forcée, leur enfermement, dans les pensionnats, dans les réserves. Que reste-t-il de ces langues aujourd’hui ? C’est la question à laquelle Caroline Montpetit cherche à répondre en donnant la parole à onze représentants des onze nations présentes sur le territoire du Québec dans un petit (mais grand) bouquin intitulé Bonjour ! Kwe ! À la rencontre des langues autochtones du Québec. On y apprend que si certaines langues (l’atikamekw ou l’inuktitut) ont résisté à l’entreprise visant à « tuer l’Indien » chez les enfants arrachés à leur famille, d’autres ont presque disparues. Et une tristesse nous atteint à la lecture de ces témoignages sobres et dignes. Nous ne pouvons rester insensibles, nous les Québécois dont la survivance de la langue et de la culture reste précaire, au drame qu’ont vécu ces peuples dont les langues et la culture furent écrasées sous la botte du colonialisme. 

Extrait

David Kistabish situe la période des pensionnats pour sa région environ entre 1955 et 1973. C’est l’époque où les agents de la Gendarmerie royale du Canada sont allés chercher les enfants autochtones dans leur famille pour les éduquer et « tuer l’Indien dans chaque petit Anishnaabe, dans chaque Algonquin ».

Cette époque marque une grosse coupure dans la transmission de la langue algonquine. L’école de bande de Pikogan, qui veut dire « tipi » en algonquin, n’a quant à elle ouvert ses portes qu’en 1968.

« Mes parents étaient les plus jeunes de leur famille. Leurs grands frères et leurs grandes sœurs étaient allés au pensionnat. »

Cette disparité familiale permet de mesurer très concrètement les effets des pensionnats autochtones sur la survie de la langue et de la culture. « Mes cousins, ils comprennent la langue, mais ils ne l’ont pas pratiquée comme j’ai eu la chance de la faire. Moi, j’ai eu beaucoup de perfectionnement avec mes grands-parents. Quand j’étais jeune, on allait dans le bois. Avec eux, c’est automatique, je parlais algonquin, parce qu’ils parlent seulement l’algonquin. » (p. 21)

Ce petit livre a plus de poids que le nombre de ses pages. Des membres des Premières Nations et quelques allochtones œuvrent à redonner aux langues et à la culture autochtones leurs lettres de noblesse, sensibilisent au drame qui s’est joué sur le territoire que nous considérons le nôtre, posent les pierres d’une nouvelle « maison longue » dans laquelle nous pourrions nous connaître, nous comprendre, cohabiter. Ce livre de Caroline Montpetit participe à ce projet de belle manière. 

Caroline Montpetit, BONJOUR ! KWE ! À la rencontre des langues autochtones du Québec, Boréal, 2022, 106 pages

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