Paul file un mauvais coton

J’envie les gens qui savent dessiner. J’envie Michel Rabagliati. Je ne suis pas une habituée de ses bandes dessinées. Rose à l’île est ma première vraie rencontre avec cet auteur qui trace sa route hors des sentiers connus. Et une bien belle rencontre. Rabagliati innove en s’écartant ici de ses habituelles BD, mettant en scène Paul son alter ego, pour nous offrir un touchant roman graphique. Le dessin y prend moins de place que dans ses autres œuvres, mais quel dessin! Du coup de crayon minimaliste à la page couverte d’une illustration qui n’oublie aucun détail. Mais surtout, le coup de crayon qui traque l’émotion et nous la communique.

L’auteur identifie son propos comme de l’autofiction. Dans Rose à l’île, le narrateur vit une crise existentielle provoquée par une séparation et le deuil des parents. Sa fille, Rose, l’a convaincu de prendre une semaine de vacances sur cette île dont on ne donne jamais le nom, mais qu’on sait accessible au continent par un traversier qui part de Tadoussac. D’après le dessin de Rabagliati, il semble bien que ce soit l’île Verte, au large de Rivière-du-Loup. Rose espère que ce séjour dans la nature l’aidera à surmonter ses sombres pensées. Une petite semaine tranquille, quelques rencontres, ils reprennent la route vers leur quotidien. On sent qu’il s’est passé quelque chose… 

Comment en suis-je arrivé là ? Il y a des jours où je ne le sais plus vraiment. Avec le temps, c’est devenu flou. J’admets que je suis en grande partie responsable de mon naufrage, mais tout de même. Il y a cinq ans que le navire a sombré et que je flotte, encore accroché aux débris. Il faudrait tout de même avancer un peu, regarder vers l’avenir, tirer des plans, ce genre de chose. Le passé ne revient pas et l’avenir n’est pas encore là, seul le moment présent importe. Shit, je l’ai-tu entendue à toutes les sauces, celle-là. Aujourd’hui est le premier jour du reste de votre vie ! Ben oui ! Pis hier est le jour d’avant le premier jour du reste de votre vie et demain est le jour qui vient après le premier jour du reste de votre vie. Gimme a break, simonac ! (p. 114)

Ça se lit le temps d’un apéro, sous la lampe, alors que dehors la nuit est arrivée en plein après-midi ! Un apéro de bonheur !

Pour en savoir plus, cet article de La Presse

Michel Rabagliati, Rose à l’île, La Pastèque, 2023, 247 pages

Laisser un commentaire