Le plaisir qu’on prend à la lecture n’a pas qu’à voir avec la qualité littéraire de l’oeuvre. Sinon, tous aimeraient plus ou moins chaque livre à un même degré. Or ce n’est évidemment pas le cas. Le plaisir de lecture semble plutôt le résultat d’une chimie complexe entre le récit et la voix d’un auteur et nos propres récits et voix intérieures à un moment donné. Tout ça pour vous dire que j’ai adoré Trois de Valérie Perrin dont j’avais déjà apprécié les deux romans antérieurs, particulièrement Changer l’eau des fleurs. Sans doute la lecture dont j’avais besoin maintenant.
Le thème
Trois, comme dans trois enfants que le hasard des regroupements d’élèves, lors de la rentrée scolaire, va unir pour la vie. Leur nom de famille commence par B. Deux garçons, Étienne, le magnifique, et Adrien, le timide. Une fille, leur ciment, Nina. Chacun d’eux trouvera chez les deux autres l’amour dont les abandons ou le manque de reconnaissance les a privés. On va les suivre de cette journée de rentrée — ils ont plus ou moins 10 ans — jusque dans leur quarantaine, ce mitan de la vie qui invite aux grandes remises en question. L’amitié indéfectible de l’enfance et de l’adolescence sera mise à dure épreuve par les deuils, les secrets, la quête identitaire, les replis sur soi, les trahisons, la vie, quoi ! Mais elle survivra et saura les mener plus haut, plus loin, les rendre meilleurs. Certains romans sont tissés sur canevas rugueux, celui-ci me semble fait de dentelle. C’est délicat et plein d’amour, de sollicitude et de tendresse.
Valérie Perrin sait créer une atmosphère par des phrases courtes, des mots simples, terriblement efficaces, et des images inattendues, comme des étincelles qui fusent du feu tranquille de l’âtre.
L’échantillon
Nina retire ses gants. Elle voudrait que cette traversée du refuge dure mille ans. La jeune main dans la sienne, déjà plus grande que la sienne, mais si douce. Ces doigts qui la serrent lui rappellent ceux d’Étienne et d’Adrien. Ils la branchent à l’adolescence, l’insouciance. Comme une prise dans laquelle on glisse deux fiches. Un luminaire en hiver. Un coup de soleil. Les yeux fermés, Valentin se laisse guider. Comme s’il marchait sur un fil suspendu dans le ciel et qu’il avait le vertige. Son profil parfait, comme celui de son père. Il pleut à présent. De la neige fondue dans ses cheveux.
Valérie Perrin, Trois, Livre de poche, 2021, 765 pages
J’ai lu Valérie Perrin. Des histoires humaines qui touchent le coeur. Et que dire de son écriture qui m’enchante à chaque fois par sa justesse et sa poésie à travers des mots simples. Bravo!